Vincent Cassel n’avait jamais tenu la vedette d’une série télé avant d’accepter de jouer dans Liaison, un thriller d’espionnage en six épisodes qui atterrit sur Apple TV+ vendredi. Pourquoi a-t-il cédé ? « Parce que ce n’est pas de la télé », répond l’acteur français.

En entrevue Zoom de Paris, Vincent Cassel semble en grande forme. Laissant son enthousiasme accélérer son débit de paroles, le célèbre comédien explique avec candeur les raisons pour lesquelles il s’est toujours montré « réticent » à passer du grand au petit écran. Ses préjugés y étaient pour quelque chose. « La télé, c’était connoté », avoue la vedette des longs métrages La haine (1995), Les rivières pourpres (2000) et Irréversible (2002). Les grosses sommes d’argent dont bénéficiait le septième art, comparativement au médium télévisuel, justifiaient également sa décision.

Ce dernier argument n’est toutefois plus valable aujourd’hui, puisque d’après la presse française, chaque épisode de Liaison aurait profité d’une enveloppe de 5 à 10 millions d’euros, soit entre 7 millions et 14 millions de dollars canadiens. « On parle d’un budget qui équivaut à celui d’un énorme film, indique Vincent Cassel. Visuellement, ça veut dire qu’il y a plein de choses, qu’on a passé du temps sur l’écriture…

« Et puis, d’un point de vue purement technologique, pendant longtemps, la télé, c’était des plans un peu comme [notre discussion Zoom], poursuit-il. C’est-à-dire qu’il fallait qu’on voie les gens de près parce qu’on n’y voyait que dalle sur écran cathodique. Dès qu’on faisait un plan large, on perdait tous les détails. Aujourd’hui, la situation a changé. Tout le monde peut avoir un écran OLED pour 300 euros [430 $]. »

La force d’Apple

Imaginée et écrite par Virginie Brac (Engrenages), la minisérie Liaison raconte l’histoire de deux agents secrets – et anciens amants explosifs campés par Cassel et Eva Green (Casino Royale) – qui doivent s’unir pour contrer des cyberattaques qui menacent l’Angleterre et l’avenir de l’humanité.

PHOTO FOURNIE PAR APPLE TV+

Vincent Cassel et Eva Green dans Liaison

L’acteur de 56 ans décrit son personnage comme « un mercenaire international ». « C’est un ancien militaire. Comme il était très bon, les services secrets l’ont contacté et l’ont envoyé faire une mission quelque part… Mais ça ne s’est pas très bien passé et son gouvernement l’a laissé tomber, comme s’il n’existait plus. Et aujourd’hui, parce qu’il s’est senti abandonné, il est capable de tout. »

Dans l’état actuel des choses en France, Liaison n’aurait jamais pu éclore sans Apple TV+, estime Vincent Cassel. Même Canal+, une chaîne payante privée ayant produit plusieurs séries de prestige, n’a pas assez d’argent pour financer une telle production.

En effet, Liaison en jette visuellement. Dotée d’une réalisation hyper léchée signée Stephen Hopkins (24 heures chrono, Lost in Space), la série tournée en partie à Londres comprend plusieurs séquences d’action, effets visuels et prises aériennes spectaculaires. « C’est la force de frappe d’Apple, déclare Vincent Cassel. C’est une autre façon de faire. Même moi, en tant qu’acteur des années 1990, tout d’un coup, je réalise que c’est une autre manière de fabriquer, de diffuser et d’assurer la promotion d’une série. »

Une plus grande liberté

Vincent Cassel a commencé à lorgner la télévision lorsque « des trucs d’une qualité incroyable » y sont débarqués. Il cite les séries américaines Breaking Bad et Westworld, dans laquelle il s’est taillé une place en 2020.

« Tout d’un coup, j’étais comme : “Putain, c’est incroyable, la liberté de temps qu’ils ont, et qu’on n’a pas au cinéma !” Parce qu’au cinéma, bien souvent, faut pas dire “fuck”, faut pas dire “God”, faut pas faire ceci, faut pas faire cela, faut pas montrer un téton, c’est PG 13… On dépend des entrées [au box-office]… La première séance détermine le parcours d’un film. »

Vincent Cassel s’inquiète-t-il pour l’avenir du cinéma ? « Je n’ai jamais été nostalgique », répond le lauréat du César du meilleur acteur pour L’instinct de mort et L’ennemi public no 1 en 2009.

L’important pour moi, c’est qu’on raconte des histoires intéressantes et qu’elles soient accessibles, c’est-à-dire qu’on puisse les voir. La taille de l’écran m’importe peu. J’ai découvert Elephant Man sur iPad et j’ai quand même pleuré !

Vincent Cassel

Son année Eva Green

Vincent Cassel ne s’est pas lancé dans Liaison les yeux fermés. Celui qu’on peut voir au cinéma dans Astérix et Obélix : l’empire du Milieu a exigé d’avoir le titre de producteur délégué pour « avoir [son] mot à dire » sur l’ensemble des décisions créatives, y compris le choix de l’actrice principale, qui s’est imposé d’entrée de jeu.

« Eva Green m’avait toujours fasciné, révèle l’acteur. J’avais essayé de l’avoir sur d’autres projets, mais ça n’avait jamais marché. Quand elle a accepté pour Liaison, j’étais comme un dingue ! Je crois que c’est une des rares actrices qui continuent d’avoir cette élégance, ce mystère, cette force d’interprétation. Je suis très, très, très fan d’elle. »

PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Vincent Cassel et Eva Green à l’avant-première de Liaison à Paris

Le vœu de Vincent Cassel a été exaucé deux fois plutôt qu’une puisque, après Liaison, la paire s’est retrouvée sur l’adaptation cinématographique des Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, qui sortira en deux volets plus tard en 2023. Cassel y campe Athos, alors qu’Eva Green y joue Milady. « C’est une autre histoire extrêmement complexe et intense. Cette année, c’est mon année Eva Green ! »

Le premier épisode de Liaison atterrit sur Apple TV+ vendredi.