Beau mais superficiel, le documentaire de Mary McCartney sur les fameux studios londoniens s’en tient aux lieux communs.

C’est un endroit mythique.

Une référence.

Un lieu de pèlerinage.

Son seul nom évoque les Beatles et un de leurs meilleurs albums.

Sans compter les dizaines de succès produits sur place, de Goldfinger (Shirley Bassey) à Wonderwall (Oasis), en passant par The Dark Side of the Moon (Pink Floyd) et la musique de Star Wars.

Il fallait bien qu’un jour, l’histoire des studios Abbey Road soit racontée, et c’est maintenant chose faite avec le documentaire If These Walls Could Sing (Derrière les murs des studios Abbey Road), offert depuis vendredi sur Disney+, qui revient sur les 90 années d’existence de ce temple de l’enregistrement situé dans le quartier St John’s Wood, à Londres.

Soyons honnêtes, ce film s’adresse d’abord aux fans des Beatles en quête d’un nouveau « fix ».

D’abord parce qu’il a été réalisé par la photographe Mary McCartney, fille de Linda et Sir Paul, qui touche pour la première fois à la réalisation.

Ensuite parce que l’essentiel du récit s’articule autour des Fab Four, depuis Love Me Do en 1962 jusqu’à la fameuse pochette du groupe traversant le passage piéton d’Abbey Road. Choix légitime : ce sont eux qui ont mis ces studios sur la carte et ont permis d’en extraire les sons les plus étonnants, avec la complicité du producteur George Martin.

Paul McCartney et Ringo Starr figurent forcément parmi les invités de marque ici interviewés. Mais leurs anecdotes, livrées dans la pénombre vaguement intimiste du studio 1, n’apportent pas grand-chose de neuf à la mystique de la formation. Comme si l’on entendait ce disque rayé pour la millième fois.

Pas de grandes révélations non plus du côté d’Elton John, de Jimmy Page, de Roger Waters, de David Gilmour ou des deux frères Gallagher (Oasis), aussi conviés à partager leurs souvenirs de ces studios cultissimes. En fait, le témoignage le plus original revient au compositeur John Williams, qui a capturé ici certaines de ses plus célèbres trames sonores (Raiders of the Lost Ark, Star Wars) et s’étonne encore, 40 ans plus tard, qu’il était possible de boire de l’alcool dans la cafétéria des studios.

Ce sentiment de réchauffé pourrait être compensé par les segments plus historiques. Mais cela ne représente qu’une infime partie du documentaire. On apprend que les studios ont été ouverts par la compagnie EMI en 1931 dans une ancienne maison cossue du nord de Londres. Qu’ils ont connu une période de vaches maigres à la fin des années 1970, forçant leurs propriétaires à faire une dramatique « vente de feu ». Que la musique classique y a occupé une place importante avant l’arrivée de la pop.

Mais on revient très vite à Sgt. Pepper et aux grands-pères du rock, qui nous ressassent leurs vieux refrains.

Pas grand-chose, non plus, sur les aspects techniques. Les protagonistes du documentaire ne cessent de s’esbaudir sur le « son » des studios Abbey Road. Mais personne pour expliquer, supputer ou théoriser sur les éléments qui ont rendu ce son possible. Quels micros ? Quelles consoles ? Quel bois sur les murs pour le réverbérer de cette façon ? Quelles innovations technologiques au fil des ans ? On en aurait pris davantage… comme on aurait souhaité une visite plus immersive du bâtiment.

Le mythique studio 1 est filmé sous tous les angles, certes. Mais pourquoi ne pas explorer davantage le reste de l’immeuble ? Au propre comme au figuré, on reste dans les lieux communs.

If These Walls Could Sing reste un documentaire somptueux. Esthétiquement irréprochable, avec ses documents d’archives parfois rares, présentés en format « split screen », clin d’œil à la grande époque des années 1960. Malgré sa lourde tendance beatlesque, le film parvient aussi à rendre compte de l’éclectisme de cette manufacture à tubes, dont les productions sont allées du classique de Jacqueline du Pré à l’afrobeat de Fela Kuti. Enfin, les invités ne sont pas des deux de pique.

Mais pour l’accès privilégié, on repassera. Malgré son laissez-passer, Mary McCartney survole son sujet sans approfondir et offre un film ronronnant, formaté, qui finit par s’étirer en longueur, malgré sa courte durée.

Décevant pour qui espérait pénétrer au cœur des entrailles de ces studios cultissimes.

If These Walls Could Sing

If These Walls Could Sing

Mary McCartney

98 minutes

Disney+

6,5/10