Il y a 25 ans, le Québec vivait le pire cataclysme naturel de son histoire : la crise du verglas. Deux documentaires présentés ces jours-ci remontent le fil du temps pour jeter une lumière nouvelle sur ces longues semaines de froid et de noirceur.

Rien ne laissait présager que le mauvais temps du début du mois de janvier 1998 allait causer une catastrophe. Quelques dizaines de milliers d’abonnés sans courant en plein hiver ? Un peu de verglas ? Hydro-Québec a déjà vu ça et, au matin du 5 janvier, personne ne s’attend au pire.

Sauf que c’est le pire qui s’est produit : en l’espace de 24 heures, des pylônes géants qui soutiennent les lignes à haute tension qui transportent l’électricité ont commencé à s’effondrer. Peu après, des dizaines de poteaux de bois alignés le long des routes de la Montérégie ont cassé. Une bonne partie de la Rive-Sud de Montréal a été plongée dans le noir. Pour un mois, dans le pire des cas.

Entraide et tragédie

« Pour la plupart des gens, le verglas a été plus un grand dérangement qu’une tragédie », observe Étienne Boulay, animateur de Verglas 98, qui sera présenté à Historia. Son ami Marc-André Chabot, réalisateur du documentaire, s’y concentre sur les efforts des équipes d’Hydro-Québec et l’élan d’entraide qui s’est mis en place dans la population pour soutenir les sinistrés.

« Il y a des gens pour qui ç’a été du camping dans le salon, convient Jean-François Poisson, réalisateur de 35 jours de noirceur, qui sera diffusé à TVA. Il y a aussi des gens pour qui la crise du verglas n’est vraiment pas un bon souvenir. Des gens dont ça a changé la vie, qui ont perdu des membres de leur famille. » Son approche, plus dramatique, donne entre autres la parole aux victimes.

La trame de fond des deux documentaires est la même : les pannes de courant qui se multiplient, la pluie verglaçante qui n’arrête pas, la cellule de crise du gouvernement qui tente de donner l’heure juste à la population sans provoquer de panique et l’aide d’urgence qui se met en place.

Or, même si certaines figures de la crise sont interviewées dans les deux films, ceux-ci s’avèrent différents et complémentaires.

De Verglas 98, on retient entre autres la propriétaire d’une animalerie de Saint-Hyacinthe qui a pris en charge des animaux de compagnie de familles ou d’aînés vulnérables et ce propriétaire d’un motel de Saint-Jean-sur-Richelieu qui a hébergé des dizaines d’employés d’Hydro-Québec et qui dit n’avoir pas voulu monter les prix pour profiter de la situation.

De 35 jours de noirceur, on garde notamment des images époustouflantes du travail de monteurs de lignes d’Hydro-Québec qui ont sauvé l’alimentation en électricité de… l’île de Montréal. Au plus fort de la crise, tout le réseau de la métropole ne tenait qu’à un (gros) fil électrique.

Mettre les monteurs de lignes au cœur de son film était essentiel pour Jean-François Poisson. « On les a vus sur le terrain, on leur a dit qu’ils étaient bons, mais on ne les avait jamais vraiment entendus », souligne le réalisateur.

Un quart de siècle plus tard, c’est avec beaucoup d’émotion que l’un de ces hommes raconte qu’un soir, son supérieur a suspendu les opérations après qu’il eut manifesté son inquiétude quant à la sécurité des structures sur lesquelles ses collègues et lui devaient travailler au cours de la nuit. Le lendemain matin, 80 de ces pylônes s’étaient effondrés. Son appel a sauvé des vies.

La crise du verglas a été la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du Canada. Elle a fait au moins 30 victimes. Des milliers d’animaux d’élevage sont morts, aussi. Des érablières et des vergers entiers ont été décimés. La crise a laissé des traces, même si, comme le dit André Caillé avec des mots différents dans les deux films, le Québec a gagné la bataille du verglas cette année-là.

Jean-François Poisson croit qu’à l’heure des changements climatiques, on est loin d’être à l’abri de revivre ce genre de cataclysmes naturels. « On va en vivre, des catastrophes comme ça qui vont exiger qu’on se revire sur un dix cennes », dit-il. La tempête de verglas de janvier 1998 est, sur ce plan, un bon exemple de gestion de crise efficace et de générosité collective.

35 jours de noirceur, mercredi 19 h 30, à TVA

Verglas 98, samedi 20 h, à Historia