L’année 2024 marque le 100anniversaire de naissance de Ludmilla Chiriaeff, fondatrice des Grands Ballets Canadiens et de l’École supérieure. Après avoir vécu une vie digne d’un roman, la grande dame de la danse a laissé à la société québécoise un héritage incontournable.

Ludmilla Chiriaeff a laissé derrière elle des institutions, mais aussi des danseurs, des chorégraphes et des gestionnaires qui poursuivent sa vision à leur manière.

Comme Anik Bissonnette, qui a été première danseuse aux Grands Ballets Canadiens et qui est maintenant la directrice artistique de l’École supérieure de ballet du Québec.

« Pour moi, c’est extrêmement important de poursuivre ce que Mme Chiriaeff a fait », affirme-t-elle.

Anik Bissonnette n’a pas étudié à l’École supérieure, mais Ludmilla Chiriaeff l’a quand même accompagnée tout au long de sa carrière.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’ancienne danseuse Anik Bissonnette poursuit l’héritage de Ludmilla Chiriaeff à la direction artistique de l’École supérieure de ballet du Québec.

Ça a commencé par un lien plus professionnel, puis c’est devenu un lien d’amitié vers la fin. C’était un lien de confiance, souvent par téléphone. Souvent aussi j’allais la visiter et on discutait de tout et de rien : de la danse, de la vie, de la famille.

Anik Bissonnette

Anik Bissonnette la décrit comme une femme très gentille, très maternelle. Jusqu’à la fin de sa vie, même malade à la maison, Ludmilla Chiriaeff voulait savoir ce qui se passait dans le monde de la danse.

« Il ne s’agissait pas de savoir les potins, mais c’était une discussion bienveillante. Ce n’était jamais dans le négatif. Dans nos dernières conversations, il était beaucoup question de poursuivre son legs. »

Le message de « Madame »

Le chorégraphe Jean Grand-Maître a fait connaissance avec Mme Chiriaeff alors qu’il suivait une formation de danseur à l’École supérieure. Il affirme que les jeunes étaient impressionnés par « Madame », qui représentait un chaînon important de l’histoire de la danse.

On réalisait qu’on était en présence de quelqu’un qui avait fait de très grandes choses, quelqu’un de mystérieux. On disait toujours que Mme Chiriaeff avait huit sourires : il y en a un qui voulait dire que ça allait bien, puis un autre qui voulait dire qu’elle allait nous mettre à la porte le lendemain.

Jean Grand-Maître

Envers Jean Grand-Maître, Ludmilla Chiriaeff s’est montrée particulièrement encourageante.

« L’année de ma graduation après quatre ans, j’étais très déprimé, raconte-t-il. Je n’étais pas vraiment heureux de mon travail, je ne me trouvais pas très bon danseur. J’étais bon pour le corps de ballet, mais pas comme soliste. »

Ludmilla Chiriaeff l’a pris à part.

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Le chorégraphe Jean Grand-Maître en 2002, à l’occasion de la création de sa version de Roméo et Juliette

Je n’oublierai jamais ce qu’elle m’a dit, que tout ce qu’on m’avait enseigné, je ne l’avais pas nécessairement dans les jambes, mais dans la tête, et qu’avec ça, on pouvait faire bouger des montagnes. Elle m’a encouragé à chorégraphier.

Jean Grand-Maître

Jean Grand-Maître a ainsi connu une carrière internationale en tant que chorégraphe, notamment à la Scala de Milan et à l’Opéra de Paris.

Une rencontre marquante

La chorégraphe Ginette Laurin a été recrutée par Ludmilla Chiriaeff alors qu’à 15 ans, elle était déjà un peu âgée pour commencer une sérieuse formation en ballet.

Mme Chiriaeff avait remarqué la jeune fille dans un cours de danse moderne d’une organisation récréative.

« Elle m’a appelée pour aller m’asseoir près d’elle, elle m’a caressé la joue, on a jasé un petit peu, et puis elle m’a offert une bourse pour aller à l’École supérieure. »

Ginette Laurin croit que Ludmilla Chiriaeff a vu en elle une danseuse contemporaine – « parce que je n’avais pas nécessairement la morphologie pour faire du ballet ».

PHOTO NINON PEDNAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La chorégraphe Ginette Laurin en 2013, à l’époque de la compagnie O Vertigo

Elle a vu dans mes yeux que la danse, c’était ma vie.

Ginette Laurin

Ginette Laurin a effectivement fait sa marque dans le monde de la danse contemporaine en rejoignant le groupe Nouvelle Aire, puis en fondant sa propre compagnie, O Vertigo.

Le directeur des Grands Ballets Canadiens, Marc Lalonde, a également vu le cours de sa vie changer lorsqu’il a commencé une formation de danseur à l’École supérieure, alors dirigée par Mme Chiriaeff.

« C’était une personne qui impressionnait, elle avait un regard pénétrant. C’est quelqu’un qui s’exprimait avec emphase. »

Même s’il a commencé le ballet sur le tard, Marc Lalonde a quand même dansé pour les Grands Ballets Canadiens pendant une année, avant de se diriger dans l’administration des arts. Il a fait un long détour par I Musici, l’OSM et l’École nationale de cirque, avant de retourner aux Grands Ballets.

Il est très fier de l’évolution de l’institution.

« Avant, on avait quatre programmes par année en incluant Casse-Noisette. Maintenant, on en offre six. C’est quand même 50 % de plus, ça paraît. Nous avions 33 danseurs, nous en avons maintenant 45. Nous pouvons compter sur un public et des ressources plus vastes. Nous sommes capables de poursuivre la vision de Mme Chiriaeff d’offrir le registre complet du répertoire. »

Une question d’histoire

La première danseuse Maude Sabourin n’a pas connu personnellement Ludmilla Chiriaeff, mais elle ressent toujours son influence.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La danseuse québécoise Maude Sabourin dans le rôle de la fée marraine de Cendrillon

C’est carrément une pionnière. Elle a mis de l’avant la danse, la tradition européenne, mais elle avait aussi cette vision de trouver notre propre identité, d’avoir un regard tourné vers l’avenir, vers la création, tout en maintenant la tradition.

Maude Sabourin

Pour Maude Sabourin, il est important de souligner l’apport de Ludmilla Chiriaeff en cette année de son 100anniversaire.

« C’est normal de se rappeler ce qu’elle a fait pour nous, du chemin qu’elle a tracé. C’est important de se remémorer tout ça pour que les nouvelles générations sachent d’où on vient. »

Une série d’évènements de l’École supérieure de ballet du Québec

L’École supérieure de ballet du Québec organise justement une série d’évènements tout au long de l’année pour célébrer ce centenaire, comme une table ronde avec Jean Grand-Maître, Katia Mead et Anik Bissonnette le 29 avril et un spectacle hommage les 24 et 25 mai.

Consultez la page sur Ludmilla Chiriaeff de l’École supérieure de ballet du Québec

Un programme spécial des Grands Ballets Canadiens

Les Grands Ballets Canadiens concoctent un programme spécial simplement intitulé Ludmilla, comportant notamment une redécouverte de créations de Ginette Laurin et de James Kudelka, les 24 et 25 octobre prochains.

Consultez la page sur Ludmilla Chiriaeff des Grands Ballets Canadiens