C’est aux 7 doigts qu’est revenue la délicate mission de mettre le point final à l’année de célébrations visant à souligner le 100anniversaire de naissance de Jean Paul Riopelle. La compagnie accomplit sa tâche avec brio en signant un spectacle de cirque envoûtant où les corps et la technologie se mettent au service de la beauté.

Orchestré par le metteur en scène Samuel Tétreault, Riopelle grandeur nature propose une incursion dans la vie, mais surtout dans l’œuvre du peintre québécois. Pour ce faire, la troupe circassienne a ouvert les portes de ses studios du boulevard Saint-Laurent. Le spectacle est installé dans une des salles, où chaque mur s’est transformé en vaste écran de projection.

Pendant 80 minutes, le public, installé de part et d’autre de la scène, se retrouve entouré des œuvres fougueuses et vibrantes de Riopelle. Elles apparaissent entières ou morcelées, multipliées ou scrutées de si près qu’on arrive à y deviner chaque coup de pinceau de l’artiste, le relief ainsi créé par la peinture sur la toile s’apparentant à celui d’un paysage enneigé. Des images qui rappellent le foisonnement de l’œuvre de Riopelle, qui a signé plus de 7000 pièces au cours de sa vie.

D’une grande poésie

Sur la scène, mais surtout au-dessus de celle-ci, cinq acrobates viennent ajouter la grâce de leurs mouvements à la beauté des tableaux. Les numéros aériens sont d’une grande poésie. Ici, on ne vise pas à impressionner par des coups d’éclat physiques qui défient la gravité, mais plutôt à ajouter une couche impressionniste fort émouvante à l’ensemble.

À ce chapitre, le numéro dansé de Guillaume Paquin est particulièrement réussi. Équipé de capteurs de mouvements dissimulés sous son costume, il se lance dans une danse exaltée qui se transpose simultanément en dizaines de coups de pinceau colorés sur les écrans géants. Chaque soir, dit-on, l’œuvre et la danse seront différentes. Mais, on le présume, ce sera chaque fois spectaculaire, tant sur la scène que sur la toile.

D’ailleurs, il arrive souvent dans ce spectacle qu’on manque d’yeux pour tout voir, tellement notre regard est sollicité entre les pièces grandioses de Riopelle et les mouvements gracieux des artistes de chair et de sang. Les numéros d’équilibre, de mât rotatif ou de corde lisse sont d’ailleurs toujours en parfaite adéquation avec les œuvres projetées à 360 degrés.

Pas de doute, Samuel Tétreault, lui-même fils de galeriste, connaît très bien le répertoire touffu du peintre...

PHOTO JF SAVARIA, FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Un numéro de corde lisse vient s’ajouter à la série de tableaux des jeux de ficelle peints par Riopelle.

Petit bémol

S’il faut toutefois trouver un bémol à ce spectacle visuellement parfait, il est du côté du texte signé Marie-Christine Lê-Huu. La formule dramaturgique choisie par cette dernière reste assez redondante. Aussi, plutôt que d’évoquer la nature qui inspirait le peintre, la trame narrative reste assez biographique et chronologique. Pour dire vrai, on aurait pu se passer des dates, des lieux et des noms pour plonger le cœur grand ouvert dans l’univers de Riopelle, ses couleurs irradiantes et les paysages qui lui ont servi de muses.

Après une année entière à célébrer l’œuvre et la vie de Riopelle (notamment avec la pièce biographique signée Robert Lepage présentée chez Duceppe et au Diamant), il aurait été beau et bon de se passer des faits pour ne garder que l’émotion brute. Celle qui animait Jean Paul Riopelle étant, après tout, taillée du même bois.

À savoir : une exposition multimédia est aussi proposée dans les studios des 7 doigts pour la durée de l’évènement. Il sera possible d’admirer sur place une vingtaine de pièces originales de Riopelle, mais aussi de découvrir des projections immersives sur 360 degrés ou de créer des œuvres numériques inspirées des grandes mosaïques du peintre à partir d’un système interactif infrarouge.

Consultez la page du spectacle
Riopelle grandeur nature

Riopelle grandeur nature

Création des 7 Doigts, mise en scène de Samuel Tétreault.

Studios des 7 Doigts, Jusqu’au 10 mars

7/10