Six femmes rockent sur les planches du Royal Alexandra Theatre ces jours-ci à Toronto, dans Six The Musical, une production qui a fait le tour du monde, de Londres à New York en passant par Sydney. La Montréalaise Maggie Lacasse est de la distribution canadienne de cette relecture pop, éclatée et non moins féministe du tragique destin des six femmes d’Henri VIII. Et elle n’est pas peu fière de l’être. Entrevue.

Son nom ne vous dit sans doute rien. Âgée de 34 ans et diplômée du Randolph College for the Performing Arts de Toronto, Maggie Lacasse a travaillé pendant plus de dix ans dans l’industrie du divertissement sur des croisières, à parcourir le monde (elle est aussi la fille de l’ex-chroniqueur à la circulation Pierre Lacasse).

Chanter, danser, jouer sur une scène, dans son pays, c’est vivre un « rêve », réagit-elle d’emblée.

Jointe par téléphone entre deux représentations de Six The Musical (le spectacle de 80 minutes sans entracte, physiquement et vocalement « exigeant », est présenté six jours sur sept, et deux fois par jour les samedis, depuis la fin septembre), Maggie Lacasse se félicite de participer à un « hybride entre une comédie musicale et un concert pop » où la diversité est à l’honneur. « Il y a des filles de partout dans la distribution, fait-elle valoir. Il devrait y avoir plus de shows comme ça. C’est important que les gens réalisent qu’il y a du talent partout, et il faut le voir sur scène ! »

Pleins feux sur les femmes

De quoi s’agit-il ? En gros, cette parodie des Tudor, écrite par Toby Marlow et Lucy Moss en 2017 pour le festival Fringe d’Édimbourg, met en scène les six ex-femmes du fameux roi Henri VIII, transformées ici en rock stars, aux voix inspirées tantôt de Beyoncé, tantôt de Rihanna ou de Britney Spears. Elles prennent le micro pour raconter leur histoire, et 500 ans de déchirements historiques au passage. Objectif : démontrer laquelle a eu le pire sort de toutes (entre Catherine d’Aragon, Anne Boleyn, Jeanne Seymour, Anne de Clèves, Catherine Howard et Catherine Parr), face à ce souverain insatiable, prêt à tout, on le sait, pour avoir un héritier.

PHOTO JOAN MARCUS, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Maggie Lacasse (à gauche) dans Six

On dit qu’Henri VIII a inspiré le conte de Barbe bleue, et voici pourquoi : l’une chante ici sa décapitation, l’autre sa trahison. La troisième, Jeanne Seymour, incarnée par Maggie Lacasse (qui interprète notamment une ballade à la Céline Dion, « je n’ai jamais pensé me rendre là ! »), a carrément perdu la vie, quelques jours après avoir enfin donné sa descendance à son roi.

Le refrain, pour vous donner une idée du ton : « Divorced, beheaded, died. Divorced, beheaded, survived ! » (traduction libre : divorcée, décapitée, morte. Divorcée, décapitée, a survécu).

L’idée, c’est de redonner la voix aux six femmes d’Henri VIII.

Maggie Lacasse, qui incarne Jeanne Seymour dans Six

« C’est vraiment à propos de ces six femmes », signale Maggie Lacasse. Et il n’est pas trop tôt, ajoute-t-elle, signalant ce faisant la posture évidemment féministe du spectacle, criant d’actualité. « L’histoire a toujours été rapportée par des hommes, c’est important de redonner la voix aux femmes. […] Il ne faut pas avoir peur de raconter notre histoire. Nos faits. »

« Très contemporain »

Si le point de départ est évidemment historique, elle rappelle que « ce n’est pas une pièce historique. C’est un concert pop, très contemporain. […] C’est très drôle, très empowering… »

On devine que la finale l’est encore plus.

PHOTO JOAN MARCUS, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Maggie Lacasse (à gauche) est de la distribution canadienne de Six, comédie musicale présentée ces jours-ci à Toronto.

Pourrait-on imaginer voir Six débarquer au Québec ? Difficilement, croit Maggie Lacasse. Pas seulement à cause de la question de la langue. « J’adore tout ce qui se fait au Québec, mais nous n’avons pas cette culture en matière de comédies musicales. On n’a pas plusieurs gros shows qui roulent à la fois, comme à Toronto. On a d’autres choses ! »

Après avoir fait un tabac à sa création, Six a fait le tour du Royaume-Uni, avant d’être exportée en Australie, puis d’atterrir à Broadway, où elle a raflé une vingtaine de prix (dont le Tony de la meilleure partition originale) en une saison (2021-2022). Elle est célébrée un peu partout par la critique : le Telegraph de Londres y a vu un spectacle « glorieusement cohérent et inventif », le Guardian a noté qu’outre une certaine « légèreté », Six mettait le doigt sur « plusieurs points importants quant à la victimisation et à la survie des femmes ». Au pays, le Globe & Mail s’est quant à lui réjoui d’un texte teinté ainsi de « révisionnisme féministe », tandis que le Toronto Star a trouvé l’ensemble finalement « moins subversif qu’anticipé ».

Six The Musical, une production Mirvish, est présentée à Toronto jusqu’au 11 février 2024.

Consultez la page du spectacle (en anglais)