Le spectacle créé par Les 7 Doigts, Riopelle grandeur nature, clôturera les festivités du centenaire de Jean Paul Riopelle au mois de février prochain. Un hommage mis en scène par le cofondateur du collectif, Samuel Tétreault, dont le père, Michel, a été l’un des derniers galeristes du célèbre peintre.

Michel Tétreault a été galeriste à Montréal pendant une quinzaine d’années. D’abord rue Saint-Denis au début des années 1980, puis rue Beaudry, dans le Village, et enfin rue Prince, dans le Vieux-Montréal. Au fil des ans, il a organisé des expos pour Françoise Sullivan, Jacques Hurtubise, Serge Lemoyne, René Derouin, Michel Saulnier, Kittie Bruneau, entre autres.

C’est dans sa galerie du 55, rue Prince qu’il a organisé en 1993 le vernissage de l’immense fresque de Jean Paul Riopelle, L’hommage à Rosa Luxemburg, dans le cadre de l’expo Œuvres vives, qui incluait également un corpus d’une centaine de ses œuvres, dont son fameux canot à glace.

Cette expo, qui coïncidait avec le 70anniversaire de Riopelle, a été l’une de ses dernières grandes manifestations artistiques.

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Une photo de Jean Paul Riopelle prise en octobre 1993 à la galerie Michel Tétreault Art International lors du vernissage de son Hommage à Rosa Luxemburg.

Samuel Tétreault nous raconte cette histoire dans les studios des 7 Doigts, qui accueillera en ses murs le spectacle immersif Riopelle grandeur nature. À l’époque, il avait 19 ans et étudiait à l’École nationale de cirque de Montréal. Il se souvient très bien de la commotion qu’il y avait le jour du vernissage et de la présence charismatique de Riopelle. « Tout le who’s who de Montréal était là ! »

Juste derrière Samuel, deux tableaux de Riopelle sont accrochés au mur, avec, à côté, un texte signé par Gilles Vigneault. Non, nous n’avons pas été emmenés dans cette pièce par hasard…

Ces deux œuvres sont en fait des gravures d’interprétation de Riopelle sur le thème du cirque, pour lequel il avait une grande passion. Le peintre avait alors fait équipe avec le maître graveur Alain Piroir pour produire 12 gravures à L’Isle-aux-Grues. C’était en 1995. Gilles Vigneault a écrit six textes pour accompagner ces œuvres. Une demande du regretté Jan-Rock Achard, qui menait une campagne pour la fondation de l’École nationale de cirque de Montréal qu’il dirigeait.

Tout ça pour vous dire que Samuel Tétreault (Bosch Dreams, Vice & Vertu), qui a grandi dans le milieu des arts visuels, était sans doute le « doigt » le mieux placé pour mettre en scène ce spectacle immersif.

« C’est une façon pour moi de boucler la boucle, nous confie-t-il. Les arts visuels m’ont toujours habité, même si j’ai choisi le cirque, j’avais envie de rendre hommage à la fougue créative de Riopelle, qui a créé plus de 7000 œuvres ! Des gouaches, des aquarelles, des estampes, des sculptures, des fusains, des pastels, des pochoirs… Il a touché à tout ! C’est aussi un clin d’œil à mon père, parce que les galeristes jouent un rôle important, mais ils sont vite oubliés… »

  • 1953. Hommage à Robert le diabolique, huile sur toile, 200 x 282 cm.

    PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION RIOPELLE

    1953. Hommage à Robert le diabolique, huile sur toile, 200 x 282 cm.

  • 1971. La Danse, 120 x 320 cm.

    PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION RIOPELLE

    1971. La Danse, 120 x 320 cm.

  • 1977. Pangnirtung, 200 x 560 cm.

    PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION RIOPELLE

    1977. Pangnirtung, 200 x 560 cm.

  • 1984. Sans titre, 150 x 300 x 2 cm.phot

    PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION RIOPELLE

    1984. Sans titre, 150 x 300 x 2 cm.phot

  • L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1424 cm (1er panneau)
L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1247 cm (2e panneau)
L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1368 cm (3e panneau)

    PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION RIOPELLE

    L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1424 cm (1er panneau)
    L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1247 cm (2e panneau)
    L'hommage à Rosa Luxemburg, 155 x 1368 cm (3e panneau)

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Spectacle immersif

Samuel Tétreault nous parle d’une « incursion immersive » dans l’œuvre de Riopelle et encore d’une « boîte à images ». « Ce ne sera pas un spectacle biographique, nous prévient-il, mais beaucoup plus une célébration de sa fougue, de son esprit libre, de sa curiosité artistique aussi. Je veux amener les gens dans son œuvre et dans la nature qui l’a inspirée. La nature qui a été son unique référent. »

En clair, entre 100 et 150 des œuvres de Riopelle seront projetées à 360 degrés autour d’une scène centrale, tandis que les spectateurs seront assis tout autour. La fille de l’artiste, Yseult Riopelle, est consultante sur Riopelle grandeur nature, tandis que la Fondation Riopelle, qui coproduit le spectacle, a aidé l’équipe de création à rassembler les images, dont les droits sont assumés par Les 7 Doigts.

Comment le cirque va s’imbriquer dans tout ça, vous demandez-vous ? Le metteur en scène donne l’exemple d’un numéro de danse acrobatique, exécuté avec des capteurs de mouvements à l’infrarouge.

« L’artiste de cirque s’inspire du geste artistique du peintre qui réalise une de ces grandes mosaïques, très populaires dans les années 1950, avec la technique du "all over" où chaque espace de la toile est recouvert de peinture. C’était un geste spontané, improvisé, qui s’inscrivait dans le mouvement automatiste. En dansant, l’artiste de cirque crée une œuvre d’art numérique qui va changer d’un soir à l’autre. »

Et quel sera le fil conducteur de ce Riopelle grandeur nature ? « On part du regard introspectif de Riopelle à la veille du décès de sa compagne et de sa muse Joan Mitchell, en 1992, puisque c’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à travailler sur la fresque L’hommage à Rosa Luxemburg. On revisite les images du hibou – qui le représente – et celui des oies blanches – qui symbolisent ses muses, mais aussi la nature qui l’a tant inspiré. »

L’hommage à Rosa Luxemburg, qui est son véritable testament artistique, sa dernière grande œuvre, sera magnifiée par un duo aux sangles aériennes, une métaphore du hibou et de l’oie blanche, qui tapissent la grande fresque de 45 mètres divisée en trois panneaux (aujourd’hui exposée au MNBAQ). Cinq artistes de cirque participent à ce spectacle.

« Il y aura des moments effervescents et de créativité, comme la vie de Riopelle, qui a vécu à toute vitesse, nous dit Samuel Tétreault, mais aussi des moments contemplatifs et d’immersion en nature, parce qu’après avoir peint de façon intensive, il pouvait passer plusieurs mois sans toucher à ses pinceaux, à voyager ou à chasser la nature avec ses yeux. »

Le collectif des 7 Doigts espère que le spectacle pourra tourner, en s’installant au moins trois semaines, que ce soit ailleurs à Montréal ou à Québec, mais aussi à Paris, à New York ou à Tokyo, des villes où Riopelle compte des admirateurs autant que des collectionneurs.

Riopelle grandeur nature sera présenté du 13 février au 10 mars dans les studios des 7 Doigts, au 2111, boul. Saint-Laurent. Les billets sont en vente sur les sites : 7doigts.com et tohu.ca.