Plus de 40 ans après la première grande fête foraine des Échassiers de Baie-Saint-Paul – à l’origine du Cirque du Soleil –, la région de Charlevoix renoue avec le cirque. Depuis jeudi soir, on peut y voir le spectacle sous chapiteau Éclats, créé par Les 7 Doigts dans le cadre des Fééries de Charlevoix.

Le Groupe 3,14, mené par Michel Granger, ancien directeur de production au Cirque du Soleil, mais aussi à Moment Factory – non, il n’y a pas de hasard –, a conclu une entente de trois ans avec l’hôtel-casino pour y présenter un spectacle cabaret des 7 Doigts dans un chapiteau tout neuf de 700 places.

Jeudi, toute la classe politique et artistique de la région s’était donné rendez-vous à La Malbaie pour le lancement de cette aventure, dont l’objectif est de bonifier l’offre culturelle nocturne. Comme ce fut le cas avec Vol de l’oiseau mécanique – au Massif – et Cité-Mémoire Charlevoix, de Michel Lemieux et Michel-Marc Bouchard.

Les 7 Doigts ont commencé à travailler sur la création d’Éclats il y a à peine six mois. Le chapiteau, lui, a été reçu il y a trois semaines ; son montage s’est terminé… la semaine dernière. Dire que ce projet – soutenu par Loto-Québec – a été conçu et enfanté dans l’urgence, c’est peu dire. Mais la bonne nouvelle, c’est que le poupon a bonne mine.

  • La cofondatrice des 7 Doigts et metteuse en scène d’Éclats, Isabelle Chassé

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    La cofondatrice des 7 Doigts et metteuse en scène d’Éclats, Isabelle Chassé

  • Le chapiteau de 700 places a été monté au contrepied du Casino de Charlevoix.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Le chapiteau de 700 places a été monté au contrepied du Casino de Charlevoix.

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C’est la cofondatrice du collectif montréalais, Isabelle Chassé, qui signe la mise en scène de ce spectacle-cabaret punché mettant en vedette neuf artistes de très haut calibre, dont les intermèdes clownesques d’Anthony Venisse.

Éclats, qui sera présenté ici pendant au moins trois ans, « peut-être même cinq », si l’on en croit Michel Granger, pourrait tourner le reste de l’année avant de retrouver sa terre natale, à La Malbaie, pendant l’été.

D’ailleurs, dès l’an prochain, la série estivale démarrera plus tôt dans la saison, nous souffle-t-on.

Même si nous sommes dans l’ancien fief du Cirque du Soleil, il faut se rendre à l’évidence : les régions éloignées des grands centres comme Québec et Montréal n’ont pas souvent l’occasion de voir nos collectifs de cirque – la plupart du temps partis en tournée de toute façon.

Quelques-unes des familles présentes jeudi dernier assistaient à leur premier spectacle de cirque. Nous avions fait le même constat lors de la présentation de Saloon, du Cirque Éloize au festival de Saint-Tite – en 2016 – ou des séries hommage du Cirque du Soleil à Trois-Rivières. Ces créations de qualité rendent les arts du cirque accessibles, il faut s’en réjouir.

Un cabaret qui a du punch

Mais revenons à Éclats, qui s’ouvre sur une chorégraphie de groupe durant laquelle les artistes conjuguent acrobaties au sol et main à main tout en manipulant d’immenses morceaux de verre – qui servent aussi de miroirs. Une introduction originale aux numéros individuels qui suivront. Des numéros exécutés majoritairement par des femmes.

Des femmes fortes, faut-il préciser. À commencer par Alex Royer, voltigeuse et spécialiste du cerceau aérien, hardie et magnétique (qui remplaçait Laurence Racine-Choinière). Mais aussi Marilou Verschelden, impériale à la roue allemande, ou encore Nadine Saint-Louis et Catherine Girard en duo sur un mât rotatif, qui tournaient sur elles-mêmes avec la grâce et la force de deux ballerines sorties d’une boîte à musique.

Autant de moments marquants qui donnent à Éclats toute sa brillance. Tout cela dans une ambiance de fête foraine, faut-il le rappeler, avec vendeurs de popcorn et de churros – il faut être de son temps – en guise de préambule, avant de s’engouffrer dans la tente.

  • Marilou Verschelden fait un numéro solide à la roue allemande. Mais l’artiste de cirque jongle aussi dans un autre segment, ludique, de chaises musicales.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Marilou Verschelden fait un numéro solide à la roue allemande. Mais l’artiste de cirque jongle aussi dans un autre segment, ludique, de chaises musicales.

  • Alex Royer est l’une des artistes aériennes les plus magnétiques de sa génération. Elle a complètement subjugué la foule jeudi soir.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Alex Royer est l’une des artistes aériennes les plus magnétiques de sa génération. Elle a complètement subjugué la foule jeudi soir.

  • Le numéro d’ouverture combine acrobaties, main à main, colonnes, etc. Les artistes sont entourés de morceaux de verre qui réfléchissent leurs silhouettes.

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    Le numéro d’ouverture combine acrobaties, main à main, colonnes, etc. Les artistes sont entourés de morceaux de verre qui réfléchissent leurs silhouettes.

  • Joel Malkoff impressionne avec ce numéro au fil de fer, sur lequel il danse littéralement avec une aisance désarmante.

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    Joel Malkoff impressionne avec ce numéro au fil de fer, sur lequel il danse littéralement avec une aisance désarmante.

  • Anthony Venisse, qui anime régulièrement les cabarets du Monastère, interprète ici un clown ; ses courtes apparitions (muettes) sont de petits intermèdes qui font sourire.

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    Anthony Venisse, qui anime régulièrement les cabarets du Monastère, interprète ici un clown ; ses courtes apparitions (muettes) sont de petits intermèdes qui font sourire.

  • Nadine Saint-Louis et Catherine Girard, deux vétéranes du cirque, forment un duo impressionnant au mât rotatif.

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    Nadine Saint-Louis et Catherine Girard, deux vétéranes du cirque, forment un duo impressionnant au mât rotatif.

  • Jonathan Victoria fait un numéro aux équilibres pendant que l’on entend les arbres craquer et que la neige tombe sur la petite scène.

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    Jonathan Victoria fait un numéro aux équilibres pendant que l’on entend les arbres craquer et que la neige tombe sur la petite scène.

  • Louis-David Simoneau retient sa partenaire Marie-Christine Fournier dans un duo au trapèze qui est le clou d’Éclats.

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    Louis-David Simoneau retient sa partenaire Marie-Christine Fournier dans un duo au trapèze qui est le clou d’Éclats.

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Ce n’est pas tout. Le numéro de fil de fer de Joel Malkoff est absolument digne de mention – même si l’artiste a plus tard livré une version, disons poliment, très personnelle des Deux printemps de Daniel Bélanger, qu’on aura tôt fait d’oublier… À la fin, c’est Louis-David Simoneau, qui a épaté la galerie du haut de son trapèze en faisant tournoyer superbement sa partenaire Marie-Christine Fournier.

Des disciplines aériennes pour la plupart, sans doute pour une question de visibilité, vu que la scène circulaire est elle-même montée sur une base surélevée, tandis que les spectateurs sont au niveau du sol. Malgré cela, la vue est légèrement obstruée par les quatre poteaux de tour. Un défi supplémentaire pour la troupe, qui fait ce qu’il y a de mieux pour cacher cette imperfection.

La musique, indissociable des œuvres des 7 Doigts, a été composée en grande partie par Raphaël D’Amours (Odysséo) et Colin Gagné, un collaborateur de longue date du collectif.

Musique qui combine essentiellement cordes et percussions, une fusion offrant une texture émotionnelle et une pulsation rythmique collant parfaitement aux numéros.

Il y a quelques jours, la metteuse en scène Isabelle Chassé nous disait que les 12 tableaux d’Éclats étaient des évocations poétiques qui caractérisent la région : le brouillard, la neige, les vallons, etc. Mais outre le numéro d’équilibre de Jonathan Victoria, fameux, durant lequel on entend craquer les arbres dans la forêt pendant que des petits flocons de neige tombent sur la scène, ces thèmes ne sont pas si explicites.

Ce qui n’enlève rien au travail de ces « gymnastes de l’émotion » – pour reprendre le titre de la pièce de Louis Champagne et Gabriel Sabourin – qui parviennent à conjuguer prouesse et sensibilité.

La suite de l’aventure s’annonce positive. Le modèle d’affaires imaginé par Michel Granger et son coproducteur exécutif François Bédard est viable sur une longue période, et c’est exactement ce que les Fééries de Charlevoix veulent faire : créer un rendez-vous estival annuel, qui sera bonifié par d’autres activités familiales. À ce jour, 10 000 billets pour Éclats ont déjà été vendus. C’est prometteur.

De leur côté, Les 7 Doigts poursuivent leurs nombreux projets. Leur spectacle Duel Reality, créé pour le navire de croisière de Virgin, a été adapté pour la scène et est présenté au festival d’Édimbourg jusqu’au 27 août.

Éclats est présenté jusqu’au 2 octobre à l’extérieur du Complexe hôtel-casino de Charlevoix.

Détails sur Éclats

Les frais d’hébergement ont été offerts par Fairmont Le Manoir Richelieu.