C’était un pari osé. Trouver un couple pour incarner sur scène, en voix, mais aussi en électricité, le duo mythique que forment encore dans l’imaginaire collectif Whitney Houston et Kevin Costner, dans les rôles-titres de Rachel Marron et Frank Farmer, dans le film culte des années 1990 The Bodyguard.

De l’électricité, il y en avait tout de même dans l’air, à l’arrivée au Théâtre St-Denis à la première de la comédie musicale Le bodyguard la semaine dernière, un soir ironiquement de panne quasi générale en ville. Dans la rue, et à quelques pas du théâtre, résonnait déjà la voix de celle qu’on l’on entendrait ensuite pendant 90 bonnes minutes.

Rappelons que le film de Mick Jackson, qui raconte l’histoire d’un ex-agent des services secrets converti en garde du corps, appelé contre son gré à protéger une superstar d’un mystérieux harceleur, a été adapté en comédie musicale partout dans le monde. On doit cette nouvelle mouture bien québécoise au metteur en scène Joël Legendre, qui n’a jamais caché avoir cherché longtemps pour trouver « sa » Whitney.

I Will Always Love Youuuuuu ! Disons-le d’emblée, c’était une grosse pointure, et l’inconnue au bataillon qu’était jusqu’ici Jennifer-Lee Dupuy (elle travaille en construction dans la vie) se défend tout à fait honorablement.

Si elle manque un peu de panache en début de spectacle (avec un Queen of the Night un peu statique, malgré un jeu de lumières qui en met plein la vue), elle gagne en aplomb au fil des numéros, en naturel aussi, et conclut en force dans une finale haute en paillettes, en voix (et quelle voix !) et en trémolos. La ressemblance est frappante. Enfin, on ressent les frissons tant attendus.

Il faut dire qu’on y croyait moyennement au début, tant son personnage de Rachel Marron peinait à se démarquer sur scène, malgré une équipe solide de danseurs avec elle, souffrant sans doute de la comparaison, aux côtés de la sœur (Nicki Marron, autre ironie, puisque c’est exactement le contraire dans le récit), incarnée ici par une puissante Sharon James (Mamma Mia !), saisissante d’émotion dans son interprétation de Saving All My Love for You.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Jennifer-Lee Dupuy et Frédérick De Grandpré campent les rôles principaux.

C’est finalement et contre toute attente son partenaire de jeu (qui joue par ailleurs si peu), Frédérick De Grandpré, qui souffre le plus de la comparaison. Disons-le, le veston ne fait pas le garde du corps, et son Frank Farmer ne dégage rien du charme d’un Kevin Costner. La mayonnaise ne prend tout simplement pas, et on peine à croire à leur histoire, le jeu demeurant trop froid et maladroit. Oubliez l’électricité, il n’y en a pas.

Le dynamisme des danseurs

Les dialogues, souvent expéditifs, rendus dans un coin ou l’autre de la scène sans grande conviction, n’aident en rien la cause. À part, faut-il le souligner, ceux du très réaliste et comique Tony (Normand Carrière). Impossible aussi de passer sous silence les décors criards (comment les oublier ?), réalisés à l’aide de projections colorées. Était-ce nécessaire de souligner à si gros traits ici le salon, là la salle de spectacle, ou encore un jardin, palmiers défilant au vent sous nos yeux inclus ? On se demande si ça se veut au mieux caricatural, au pire d’un goût douteux.

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Les danseurs sont chorégraphiés par Steve Bolton.

Ces bémols digérés, impossible de le nier : les danseurs, dirigés par Steve Bolton, apportent un dynamisme et une qualité notable au spectacle. Mention spéciale au personnage du harceleur, incarné par Tommy Durand (remarqué à Révolution), aux apparitions souvent dans l’ombre mais toujours magnétiques, aussi gracieuses qu’inquiétantes.

Un mot pour finir sur le jeune personnage de Fletcher, le fils de Rachel Marron, joué par un attachant Roman Viau Diadhiou, qui a le rythme dans la peau. Et dans le ton. Son jeu est toujours chaudement salué, et c’est franchement mérité.

Sinon, que dire ? Les amateurs de Whitney Houston trouveront sans doute leur compte dans cette production tout de même vitaminée, malgré des billets salés. Les autres ont peu de raisons de s’y attarder.

À noter que le personnage de Nicki Marron est interprété en alternance avec Maëva Grelet, tandis que Fletcher sera également incarné par Jayden Henry.

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Le bodyguard

Le bodyguard

Comédie musicale avec Jennifer-Lee Dupuy, Frédérick De Grandpré et plusieurs autres

Espace St-Denis jusqu’au 15 avril.
En tournée ensuite à Québec, Trois-Rivières et Gatineau.
Supplémentaires à Montréal du 23 novembre au 3 décembre.

5,5/10