Le Centre de création O Vertigo a annoncé vendredi qu'il mettait fin à sa collaboration avec le chorégraphe Dave St-Pierre, auquel il avait accordé une résidence à long terme en février 2016.

Ce programme de deux ans visait à soutenir le chorégraphe dans la création d'une oeuvre à grand déploiement, notamment en mettant à sa disposition un studio de danse. Il s'agissait de la première résidence à être offerte à un artiste après la redéfinition du mandat de la compagnie fondée par Ginette Laurin, qui est désormais consacrée à la relève.

Dans un communiqué, O Vertigo explique que le projet de création de Dave St-Pierre «accuse un retard important» et que le centre de création n'a pu en arriver à une entente avec le créateur, qui désirait partager la responsabilité du projet avec une vingtaine de collaborateurs, selon O Vertigo.

De son côté, Dave St-Pierre a publié un message sur sa page Facebook où il écrit que la dernière proposition faite par ses collègues et lui «n'a même pas pu se rendre jusqu'à une rencontre avec eux, tout a été freiné avant». 

« Je ne peux cacher ma déception, poursuit-il. Il est sûr que ce que proposait [O Vertigo], je l'ai vu comme une opportunité de se renouveler et de créer un système alternatif qui aurait pu être un véritable changement dans notre communauté. [...] Peut-être avais-je trop d'attentes ? [O Vertigo] dit que le projet accuse un retard, pourtant j'ai l'impression que pour proposer des alternatives ou des nouvelles solutions, on ne devrait pas être pressés et plutôt laisser ce processus nous accompagner même dans l'incertitude ; mais évidemment dans un système rigide, les incertitudes ne sont pas une posture que les institutions veulent adopter. »

Problème de communication

Joint au téléphone, Paul Caskey, directeur général du Centre de création O Vertigo, soutient quant à lui que c'est un problème de communication avec le créateur qui a mené à cette situation. 

«C'est une question de compatibilité, essentiellement, dit-il. Nous avons essayé à plusieurs reprises de communiquer avec Dave et c'était un problème majeur. Il dit que tout a été freiné ; je trouve ça curieux parce que pour moi, c'est une collaboration, et il a fait un choix unilatéral.»

M. Caskey précise que le chorégraphe a indiqué au Centre qu'il voulait réorganiser la structure de création afin d'intégrer tous les collaborateurs. «Mais ce n'était pas le projet qu'il a accepté de faire au départ. C'est trop tard et rendu là, on n'avance pas, on ne peut pas continuer sur le long terme, il faut qu'on arrête.»

Dans son billet publié sur Facebook, Dave St-Pierre convient qu'il n'a jamais été «un gars de système». «Malheureusement, en mettant l'art et les artistes en priorité dans "mon système" hiérarchique, il est sûr que ça entre en conflit avec un système qui, avant tout, et ce, insidieusement, met en priorité le trop lourd fardeau de l'administration et compagnie. Alors la place est donc vacante [à O Vertigo]. Je mentirais de ne pas dire que je suis soulagé.»

Paul Caskey reconnaît que la fin de son projet avec Dave St-Pierre place le centre de création dans une position difficile, mais qu'il annoncera un «plan B» sous peu.

«L'impact pour nous est assez grave. Nous sommes dans une période de naissance qui est assez fragile ; c'était notre premier projet. C'est certain que nous voulions faire le spectacle pour la saison 2018.»

O Vertigo s'est engagé à payer les collaborateurs de Dave St-Pierre pour le temps qu'ils avaient réservé pour les répétitions ce mois-ci.

«Enfant terrible» de la danse

Dave St-Pierre n'en est pas à sa première controverse dans le milieu de la danse au Québec. Suie, sa plus récente création, présentée à la Place des Arts le mois dernier, s'est déroulée sous tension avec le programmateur Danse Danse, qui a offert à ses abonnés d'échanger leurs billets.

>> Lisez le texte sur la controverse autour de Suie



Il y a trois ans, le chorégraphe avait annoncé qu'il cessait de présenter des spectacles à grand déploiement à Montréal en raison des conditions financières dans lesquelles évoluent les compagnies de danse ici. «Malheureusement, maintenant, j'irai là où il y a de l'argent. Pas d'argent, pas de show», avait expliqué le chorégraphe sur Facebook.

Paul Caskey déplore une occasion ratée pour tout le monde, tout en exprimant son admiration pour le talent de Dave St-Pierre. «Je pense que c'est dommage et qu'il n'a pas compris les enjeux quand il a accepté de travailler avec nous. Ce qui est vrai, c'est que Dave a du talent. Il a manqué de ressources par le passé, c'était une opportunité en or de corriger des problèmes. Nous avions mis toutes nos énergies là-dedans. Nous croyons à notre mandat, au fait que nous allons contribuer de façon productive au milieu de la danse à Montréal. Nous allons montrer que nous sommes résilients.»