Après avoir reçu «de nombreux commentaires négatifs» au sujet du nouveau spectacle Suie du chorégraphe montréalais Dave St-Pierre, Danse Danse passe à l'action. 

Le diffuseur de danse contemporaine propose à ses abonnés qui ont un billet pour une représentation à venir l'échanger pour un autre spectacle de sa programmation et offre à ses abonnés qui ont vu le spectacle et qui sont mécontents d'assister gratuitement à une autre production.

Ceux qui ont acheté leur billet sans être abonnés n'ont pas droit à cette offre.

«Comme vous le savez, Danse Danse présente des spectacles de danse contemporaine d'ici et d'ailleurs, incluant des projets en cours de création. C'est le cas de Suie, un spectacle que nous avons nous-mêmes découvert lors de la première. Donner carte blanche implique toujours un risque», ont écrit Pierre Des Marais, directeur artistique et général de Danse Danse, un diffuseur de spectacles de danse contemporaine, ainsi que Caroline Ohrt, directrice au développement et à la programmation, dans une lettre destinée à leurs clients.

«Vous savez que nous avons à coeur la satisfaction de nos abonnés. À la suite de nombreux commentaires négatifs au sujet de ce spectacle, nous souhaitons vous proposer la possibilité d'échanger vos billets avant votre représentation pour un autre spectacle de Danse Danse. N'hésitez pas à nous contacter pour toute autre question ou pour tout commentaire: vous serez entendus», poursuivent les directeurs de Danse Danse.

Diffuseur d'un «art beige»

Désavoué par certains critiques depuis sa première mercredi à la Cinquième salle de la Place des Arts, la nouvelle création de Dave St-Pierre, un projet initié par Anne Le Beau, accompagnée sur scène par Hubert Proulx et Bernard Martin, suscite la controverse et de vives discussions auprès des amateurs de danse contemporaine.

- Lisez la lettre ouverte de Luc Boulagner à Dave St-Pierre: http://bit.ly/2kpqevA

- Lisez la réponse de Dave St-Pierre à Luc Boulanger: http://bit.ly/2jLbxBk

«Vous faites fort danse danse. Envoyer une info-lettre pour dire que vous avez à coeur la satisfaction de vos abonnés ( donc en pensant que tout vos abonnés sont des gens qui n'ont pas la capacité de penser pour eux, de se faire une idée par eux-même ) et qu'ils peuvent échanger leur billet pour un autre spectacle... vous prouvez encore une fois, après avoir décidé de ne pas mettre mon texte dans le programme( en me disant qu'il fallait se garder une petite gêne et qu'Il était bien en vue ), qui met en situation le spectacle ( mais depuis 2 soirs plus du 7/8 du public n'avait pas vu mon dit mot ), vous prouvez que vous protéger le public, vous les infantiliser, que vous n'êtes pas du tout sensible à l'art, que vous aplanissez l'art, vous le rendez beige, que vous voulez contrôler ce qui se passe sur l'espace public. Ouep que finalement, vous mépriser autant les artistes que le public. Ils ne sont pas imbéciles. Ils sont humains, ils peuvent aimer, détester, hurler que c'était la pire des merdes, ou même avoir crissement trippés... c'est le plus beau cadeau qu'on peut offrir au public ( même d'échanger leur billet s'ils le veulent) cette liberté de choisir en leur offrant des spectacles qui débordent et passer par-dessus nos goûts personnels en tant que diffuseur. Triste constat de voir que danse danse n'est finalement pas le diffuseur qu'il dit être: de votre site web: «Danse Danse participe à l'avancement et au rayonnement de la danse contemporaine autant dans sa création que dans son répertoire.» j'ajouterais : seulement si le public n'est pas «bousculé». Je m'en vois désolé pour la communauté et le public. Après les gens se demande pourquoi je ne veux plus présenter à Montréal... vous avez votre réponse, ici.», a écrit Dave St-Pierre sur son compte Facebook (dont nous faisons ici la retranscription originale non modifiée).

Danse Danse réplique 

En entrevue avec La Presse, Pierre Des Marais et Caroline Ohrt de Danse Danse répliquent à Dave St-Pierre et affirment que le chorégraphe leur reprochait il y a quelques jours à peine par courriel d'avoir mal présenté sa création à leurs abonnés dans sa programmation.

«Il nous a reproché d'avoir enjolivé son spectacle auprès de nos abonnés et de nos acheteurs. Quand on s'est mis à recevoir une multitude de courriels et de commentaires de clients qui étaient insatisfaits après la première, on s'est dit qu'en effet, on les avait mal préparés. On a décidé de rétablir la donne, ce qui nous était reproché par l'artiste lui-même», explique Caroline Ohrt, directrice au développement et à la programmation, précisant que Dave St-Pierre a rompu le dialogue avec Danse Danse depuis décembre.

«On a reçu plusieurs courriels qui n'attaquaient pas Danse Danse, mais le spectacle et le chorégraphe. [Dans le contexte], on n'a pas le choix de faire ça. (...) Quand on nous accuse d'infantiliser [nos abonnés]... Même Dave St-Pierre a passé 15 minutes au début du spectacle [un soir cette semaine] pour expliquer sa création et dire aux gens qu'ils pouvaient sortir pendant la représentation», poursuit Pierre Des Marais.

Dave St-Pierre en bref 

Dave St-Pierre, pour qui le spectacle Suie marque un retour à Montréal, se dit somme toute «heureux de ce qui se passe», car il espère que ces réactions permettront à la communauté artistique de mesurer l'ampleur des défis de création en danse contemporaine au Québec. En entrevue avec La Presse, plus tôt cette semaine, il affirmait d'ailleurs que les diffuseurs poussaient les créateurs (et lui-même) pour qu'ils répliquent leurs succès, plutôt que poursuivent leur réflexion artistique. Il affirmait également que son milieu était «fucking beige», parce que plusieurs avaient peur de perdre leurs subventions à la création.

- Lisez notre entrevue avec Dave St-Pierre: http://bit.ly/2k43AYH

Âgé de 43 ans, le chorégraphe montréalais est surnommé l'enfant terrible de la danse contemporaine au Québec. En 2004, il a présenté Pornographie des âmes, un spectacle acclamé par la critique. Deux ans plus tard, il poursuivait dans le succès avec Un peu de tendresse, bordel de merde!. Chorégraphe reconnu à l'international, il a étudié à l'École de danse contemporaine de Montréal et a dansé par le passé avec Jean-Pierre Perreault et Daniel Léveillé. Il a fondé sa compagnie en 2004 et s'est produit depuis dans les plus grands théâtres de danse contemporaine au monde.