Impressionnant. C'est le seul mot qui nous est venu en tête en sortant du spectacle que Marie-Mai a donné au Centre Bell vendredi soir, deuxième de trois représentations dans un amphithéâtre peut-être pas rempli à ras bord - plein de sièges étaient restés libres dans les sections du haut -, mais où l'ambiance a été malgré tout survoltée.

Marie-Mai fait partie des rares artistes francophones capables de « faire » le Centre Bell. L'artiste de 34 ans n'y avait pas mis les pieds depuis cinq ans, et lorsqu'elle est arrivée sur scène en passant à travers l'écran géant qui projetait son image, elle a été accueillie comme la reine pop incontestée du Québec.

Cinq ans, c'est aussi une éternité, tant l'univers de la chanteuse a changé. Finis les feux d'artifice et les guitares, bienvenue aux projections léchées et aux percussions, qui viennent unifier l'ancien et le nouveau matériel. Ce spectacle est assurément le plus percussif de Marie-Mai, qui est accompagnée sur scène de deux batteurs, le chef d'orchestre Liu-Kong Ha (Random Recipe) et Olivier Savoie-Campeau, du guitariste Jean-Alexandre Beaudoin, qui joue aussi du clavier, et de la claviériste Marie-Pierre Bellefeuille, qui joue aussi des percussions. Inutile de dire que le son est lourd et puissant, et qu'il s'allie très bien aux mouvements souvent saccadés de la chanteuse et de ses huit danseurs.

On découvre une Marie-Mai dans une forme qu'on ne lui a jamais connue, transformée en performeuse de haut niveau.

Elle chante couchée sur le dos, accroupie, à genoux, elle court, monte et descend les escaliers et, parfois (rarement), reste immobile, et elle réussit à enchaîner une chanson à haut coefficient de difficulté (À bout portant) tout de suite après avoir participé à une chorégraphie élaborée sur Elle et moi, sans chercher son souffle.

Marie-Mai offre un spectacle généreux de plus de 90 minutes, pendant lequel elle se change au moins six fois - vendredi soir, elle a même dû gérer un petit incident de jupette déchirée ! -, et interprète pas moins de 24 chansons. Fière de son nouvel album Elle et moi, lancé l'automne dernier, elle a choisi d'en chanter presque toutes les pièces (10), dont la plupart n'ont pas encore fait leur chemin jusqu'au public - sauf peut-être Empire et Je décolle -, mais qui, disséminées parmi ses vieux succès, se sont bien intégrées. De fait, l'ordre des chansons est particulièrement réussi et le spectacle ne comporte aucun temps mort.

Succès sur succès

C'est qu'en 15 ans, la chanteuse a accumulé assez de hits sur chacun de ses disques (Elle et moi est son sixième album depuis 2004) pour faire lever un spectacle et chanter la foule. Elle a ainsi puisé dans chacun d'eux et livré au public les Mentir, Différents, Garde tes larmes, Indivisible, Encore une nuit, Je cours (sur laquelle son amoureux David Laflèche, qui signe les arrangements, est venu faire un petit solo de guitare), Sans cri ni haine (où tout le monde s'est levé pour sauter), C.O.B.R.A. et C'est moi au rappel, et plus encore.

L'ampleur de ce répertoire pop est tout de même aussi un exploit.

Chaque ancienne chanson était ainsi entonnée avec entrain par la foule, composée essentiellement de petites filles avec leurs mamans, mais aussi de beaucoup de jeunes adultes venus se rappeler de beaux moments de leur enfance et de leur adolescence. Il fallait les voir chanter en souriant les chansons avec lesquelles ils ont grandi pour comprendre la place qu'a prise Marie-Mai dans leur vie.

Ce fossé entre son public et ses nouvelles chansons destinées à un public plus adulte fait en sorte qu'on ne sait pas encore si Marie-Mai a réussi à 100 % son virage pop à l'américaine. Mais ce qu'elle accomplit avec ce nouveau spectacle est unique au Québec et sera assurément difficile à surpasser : Marie-Mai est une véritable machine à hits à chanter et à danser. Il lui reste à convaincre les adultes amateurs de pop que son nouveau matériel s'adresse aussi à eux, pas seulement à leurs enfants.