Éric Goulet a eu de nombreuses vies au cours de sa longue carrière. Comme leader de Possession simple et des Chiens, bien sûr, mais aussi en solo, où son spleen a l'occasion de se déployer complètement.

Dans ce troisième disque qu'il sort sous le nom de Monsieur Mono, c'est une peine d'amour douloureuse qui s'étale sur huit chansons tristes et deux interludes.

«Sur la table rase, il y a tout ce qu'il reste de moi», chante Éric Goulet, pourtant ces mots simples ne nous tirent jamais trop vers le bas. Au contraire, il se dégage une certaine lumière de la voix fragile du chanteur et des airs mélancoliques qu'il joue au piano - la chanson Un vieux piano, justement, est particulièrement réussie.

Il y a même de la lumière qui ressort de l'ensemble, grâce surtout à la présence du quatuor Esca: les cordes donnent en fait au disque une grâce qu'on n'aurait peut-être pas entendue autrement - c'est particulièrement évident, par exemple, sur Viré à l'envers et son texte d'une noirceur absolue.

On peut déplorer un certain apitoiement sur quelques chansons, dont Confession d'un homme laid, qui donne d'ailleurs naissance à des phrases pas trop poétiques - «T'as acheté la même robe que tu avais perdue/Celle-là même que tu portais le soir où il t'a eue/à mon insu».

Mais quand même, rarement la tristesse aura été aussi empreinte de beauté. 

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CHANSON. Le grand nulle part. Monsieur Mono. Indépendant.