Nous nous demandions quel accueil recevrait The National à Osheaga, festival fréquenté par un très jeune public. « C’est vraiment de la musique d’adulte », a lancé un festivalier dans la vingtaine à ses amis durant le spectacle.

Si nous sommes d’avis que le groupe chouchou des Montréalais a le potentiel de plaire à des amateurs de musique de tous les âges, sa présence à Osheaga a montré que le gros de son auditoire n’était pas constitué de membres de la génération Z (le public cible du festival), mais que même eux pouvaient y trouver leur compte.

Bien sûr, la foule devant la scène de la Rivière, samedi soir, n’était pas tout à fait celle que nous avons l’habitude de voir au festival le plus instagrammable de la province.

La montée sur scène de The National juste après Sofi Tukker et avant Baby Keem puis Billie Eilish constituait un choc thématique et générationnel en soi. Si certains s’en sont allés après la performance de Sofi Tukker, beaucoup se sont pointés expressément pour entendre le quintet de Cincinnati.

L’ambiance est devenue bien plus planante et calme lorsque Matt Berninger s’est présenté au micro. Il y a chez The National une tout autre intensité que celle de la musique électronique et pop de Tukker et du rap de Baby Keem. Elle ne se transmet pas par un tempo frénétique ou du 808 qui fait vibrer les tympans. C’est plutôt les mélodies et la façon dont elles sont livrées qui nous accrochent, du début à la fin.

Quoi qu’il en soit, la musique contemplative de The National est, à sa façon, envoûtante sur scène. La voix grave de Berninger (qui s’est un peu fatiguée vers la fin du spectacle) transmet tout un éventail d’émotions.

Toutes très proches de la mélancolie, mais tout de même. Il pourrait difficilement être de ces artistes qui sautent et déambulent en tous sens sur scène. Mais son énergie est complètement captivante. Son charisme aussi. Il fallait le voir traverser la foule, juste avant la fin de la performance, pendant Terrible Love, avant une finale enlevante.

L’aura The National

« Le gars est en suit, c’est un gros contraste avec Baby Keem, mettons », a lancé un jeune homme à casquette à son ami à casquette, en riant, durant la prestation, en parlant de Berninger. « C’est vraiment de la musique d’adulte », a renchéri casquette no 2 un peu plus tard. Tous ne seront bien sûr pas convaincus par la proposition de The National. Précisons que les jeunes à casquette assis près de nous ont tout de même hoché la tête en rythme avec enthousiasme à plusieurs moments de la performance.

Autour de Berninger, les jumeaux Dessner et les frères Devendorf ont été impeccables, derrière leurs instruments et aux harmonies. The National est loin d’en être à sa première prestation devant une foule où beaucoup n’écoutent qu’à moitié. Cette maturité et cette justesse dans leur œuvre leur confèrent une aura particulière.

Pour ce spectacle de festival, le groupe a ressorti quelques anciens succès et joué plusieurs de ses nouveaux : I Need My Girl, Day I Die, Graceless…

Alien (une très jolie récente parution) a coïncidé avec le moment où le ciel s’est teinté d’orange, le soleil prêt à disparaître derrière l’horizon.

Des cuivres se sont joints pour la superbe England. Plus tard est venue Fake Empire, également agrémentée des trompettes.

Même tout en arrière de la foule, sur la colline, les festivaliers semblaient porter particulièrement attention à ce que le groupe leur donnait.

Oui, nous nous sommes demandé quelques fois si Osheaga (tel qu’il est maintenant) était le meilleur endroit pour accueillir The National. Étonnamment, nous en sommes venue à la conclusion que c’était plutôt idéal. Tous ceux qui voulaient le voir et ceux qui le découvraient ont eu droit à un moment précieux.

Est-ce que tout le monde aime The National ? Probablement pas. Mais nous sommes persuadée que le groupe a su convaincre plusieurs festivaliers qui attendaient Billie Eilish et ravir ceux qui s’étaient déplacés pour lui.