Il n’y a pas mille façons de le dire : Depeche Mode promène actuellement son concert le plus rock en plus de quatre décennies d’existence. Basses vrombissantes, batterie puissante, guitare de Martin Gore plus en valeur que jamais – en se resserrant autour de ses deux figures centrales, le groupe pionnier de la musique électronique a déployé toute sa force.

On a senti dès l’entrée en matière, My Cosmos Is Mine, que la soirée de mercredi au Centre Bell ne serait pas légère. Les basses rêches allaient directement au plexus et la tension n’a pas baissé d’un cran jusqu’au cinquième morceau, Sister of Night. Alors qu’il passe en général les concerts caché derrière ses claviers, Martin Gore est resté à l’avant-scène, guitare en bandoulière, presque tout le temps. Il a même exécuté de courts solos, c’est dire !

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Le guitariste et claviériste Martin Gore est resté à l’avant-scène presque tout le temps.

Réduit à un duo depuis le départ d’Andrew Fletcher, mort subitement en mai de l’année dernière, Depeche Mode a d’ailleurs revu sa façon d’occuper l’espace. Martin Gore occupait principalement un côté de l’avant-scène et Dave Gahan l’autre, avec chacun des musiciens de tournée derrière eux. La passerelle centrale n’a pratiquement pas été utilisée avant que Martin Gore ne la foule pour chanter A Question of Lust, qui est toujours son grand moment dans les concerts du groupe.

Ce choix, on le comprend, visait à mettre les deux piliers du groupe sur un pied d’égalité. On ne peut pas être contre. Le revers de la médaille, c’est que du point de vue scénique, Depeche Mode se retrouvait sans pivot. Or, on le sait, Dave Gahan est un showman charismatique capable de soulever les foules. Et s’il ne s’est pas ménagé, tournant sur lui-même et se déhanchant comme un dandy gouailleur, on aurait aimé le voir de plus près.

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Dave Gahan n'a rien perdu de son côté showman.

Il n’y a pas eu beaucoup de mou durant ce concert d’environ deux heures, le premier de deux à Montréal puisque le groupe revient en novembre. Ghosts Again et My Cosmos Is Mine mises à part, les chansons tirées de Memento Mori n’ont pas fait frémir la foule. Depeche Mode possède l’arsenal nécessaire pour vite faire oublier ces maillons faibles. Ce qu’il a fait en ressortant un grand nombre de morceaux tirés des années 1990, dont plusieurs de Songs of Faith and Devotion, qui, ce n’est pas un hasard, est probablement son disque le plus rock : Walking in My Shoes, I Feel You, In Your Room.

On a attendu longtemps l’hommage à Andrew Fletcher. Il est venu en milieu de parcours lors de World in My Eyes – l’un des titres fétiches du disparu – alors que son portrait apparaissait en format géant sur l’écran situé en fond de scène.

Peu après avoir levé les bras vers le ciel, formant un cœur avec les doigts des deux mains, Dave Gahan a crié que la chanson était pour Fletch.

Le plus beau moment du concert est venu en début de rappel : Dave Gahan et Martin Gore se sont avancés ensemble tout au bout de la passerelle pour chanter ensemble la très belle Waiting for the Night. On n’avait jamais vu, sauf erreur, ces deux-là partager la scène de manière aussi intime. Sans effusion, ils ont offert le moment le plus émouvant du concert.

On a le sentiment qu’en optant pour une formule plus rock qu’électro, plus lourde que dansante, Depeche Mode a fait bien plus qu’adapter son répertoire au son qu’il a mis de l’avant sur Memento Mori. Il a voulu mettre toute la gomme pour conjurer la mort. En fin de soirée, après avoir ressorti des perles incontournables comme Enjoy the Silence (dansante et presque groovy !), Never Let Me Down Again, Just Can’t Get Enough (épatante) et Personal Jesus, la voix de Dave Gahan avait pratiquement tenu le coup et, oui, Depeche Mode était férocement vivant. Nous aussi.

Depeche Mode sera de retour à Montréal le 3 novembre.

Consultez le site du groupe (en anglais)