Philippe Brach, après s’être éclipsé pendant cinq ans, nous revient avec Les gens qu’on aime, un album éclaté et remarquable, à la hauteur de son génie créatif.

On lance la première pièce de l’album, la chanson-titre. La voix de l’auteur-compositeur-interprète nous accueille : « Les gens qu’on aime vont tous mourir. » La phrase est suivie d’un éclat de rire. S’ensuit une superbe introduction instrumentale, épurée mais engageante. La table est mise. (Re)bienvenu chez Philippe Brach.

On retrouve sur ce quatrième disque de Brach une mélancolie berçante, un certain nihilisme, un chaos indomptable, et cet humour noir qui parvient encore à nous surprendre, même si l’auteur-compositeur-interprète a toujours eu cette tendance à mêler le tragique et le comique.

Philippe Brach est parfois très littéral, accompagnant ses mots des sons qui les traduisent. Sur la magnifique Soleils d’automne, la phrase « je plonge dans le bruit » annonce un roulement orchestral et dramatique, comme… un plongeon dans le bruit. Le morceau est aussi un parfait exemple de la façon dont l’artiste a chargé son album, instrumentalement parlant : le début est une conversation entre la voix et la basse prédominante, la fanfare se ramène ensuite pour un effet cinématographique, puis la guitare acoustique amène la pièce complètement ailleurs, une transition qui laisse finalement place à une lente conclusion aux cuivres et à la guitare électrique. C’est beaucoup pour une seule chanson. Mais ça fonctionne.

Ça fonctionne tout au long du disque parce que Philippe Brach ne fait pas qu’expérimenter au gré d’un délire sans but précis. Chaque morceau a sa propre direction, aucun ne ressemble au suivant. Pourtant, tout semble avoir été façonné à partir de la même glaise, la cohérence ne manque jamais. Tout indique que l’artiste bouillonnait de mille idées qui exigeaient de voir le jour et qu’il a assemblées avec doigté sur ce disque hétéroclite, coréalisé avec Gabriel Desjardins (La Controverse).

L’univers de Philippe Brach est unique et identifiable, cet album n’y déroge pas. Une particularité de ce nouveau disque, toutefois : si Brach sait très bien comment remplir ses chansons de couplets verbeux et bien ficelés, il a ici laissé beaucoup d’espace entre les paroles.

Plus pop que toutes les autres, Révolution (la chanson), vers d’oreille presque enfantin dans son rythme, se conclut… par des sons de Philippe Brach qui se noie, avant que ne reprenne tout bonnement la musique. Si vous pensiez être tombé sur le morceau le plus accessible de l’album, le chanteur s’est gardé le droit de vous surprendre encore, de retirer toute aspiration pop à sa propre chanson.

Et alors qu’on se remet à peine d’avoir entendu le chanteur s’étouffer dans l’eau, la pièce Ôk Canada débute. Une reprise de l’hymne national canadien, version sulfureuse, chantée avec une délicatesse qui ne peut que donner l’impression qu’on assiste à un grand moment de sarcasme.

Une demi-heure après avoir entendu Brach nous dire que « les gens qu’on aime vont tous mourir », ça se termine avec Bonne nuit, pièce instrumentale. On a l’impression d’avoir été secoué dans tous les sens, puis ramené à bon port, avec l’envie de retourner dès que possible dans cet étrange manège.

0:00
 
0:00
 
Les gens qu’on aime

Folk

Les gens qu’on aime

Philippe Brach

Maison Fauve

8/10