Sur Les chevaux du plaisir, Isabelle Boulay enfourche les indomptables chansons d’Alain Bashung sans trop les domestiquer.

Reprendre Bashung est un geste osé tant ses chansons sont collées à sa voix, à son ton, à son phrasé, bref, à sa manière unique. Il faut arriver à faire sonner avec naturel cette langue étrange tout en laissant entendre ce qu’il y a derrière les images façonnées pour échapper aux interprétations trop littérales. Il faut mettre en scène les chocs poétiques sans les souligner pour ne pas perdre la charge émotive. Et il ne faut pas édulcorer les nombreux sous-entendus érotiques…

L’amorce des Chevaux du plaisir est prometteuse : les quelques notes de guitare en intro de Je t’ai manqué et l’atmosphère western chic vite tissée par les sonorités et les arrangements montrent l’envie de donner à cette chanson le panache qu’elle réclame. Prudente, Isabelle Boulay cale sa voix sur la mélodie naguère chantée par Bashung sans trop prendre de libertés. Elle osera peu s’éloigner de son guide, d’ailleurs, tout au long du disque.

L’essentiel de l’album se tient habilement dans une zone proche du country-folk raffiné, plus ou moins tenté par le rock, selon les moments. Ça colle parfaitement à Je passe pour une caravane, l’une des chansons les plus réussies. Aucun express perd en revanche une partie de sa charge émotive sous une panoplie d’arrangements qui se veulent pourtant économes. Seule véritable surprise du disque sur le plan musical, Ma petite entreprise, rendue pop et presque groovy par une ligne mélodique fuzzée. C’est peut-être une façon de montrer que la chanson ne parle pas vraiment d’un propriétaire de PME…

Et l’interprète ? Elle avance dans ces morceaux avec une certaine précaution. Elle laisse en général planer le sens (elle ne souligne pas les dessous de Madame rêve, le texte le plus sensuel de l’album), sans tout trop tremper dans la mélancolie qu’on lui connaît. Elle reste parfois en surface des choses, comme sur Aucun express, chanson déchirante qu’elle rend avec plus de distance que de retenue, et on regrette de ne pas sentir assez le sourire malicieux que Bashung insufflait subtilement à ses chansons fuyantes.

Isabelle Boulay n’a toutefois jamais l’air parachutée dans cet univers qui, visiblement, l’habite. Elle possède l’élégance qu’il fallait pour aborder ces morceaux. Son chant manque un peu de piquant, mais sa voix est, comme toujours, magnifique, pleine de nuances. Elle ne fait pas hennir les chansons de Bashung, mais s’inscrit d’emblée parmi les rares qui ont su les monter sans se faire désarçonner.

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Les chevaux du plaisir – Boulay chante Bashung

Country-folk

Les chevaux du plaisir – Boulay chante Bashung

Isabelle Boulay

Audiogram

7/10