Across the Room, deuxième album de Gabrielle Shonk, est l’album folk-pop qu’on espérait et qui figurera sans doute dans le palmarès du meilleur de 2023. Entrevue avec celle qui tourne en première partie des Barr Brothers dans quelques villes du Québec.

C’est une pure coïncidence si l’habit de scène de Gabrielle Shonk ressemble à celui des membres du super trio boygenius sur la page frontispice de février du magazine Rolling Stone. Elle avait adopté le look veston cravate bien avant que Julien Baker, Phoebe Bridgers et Lucy Dacus soient invitées à reproduire une célèbre photo de Nirvana en 1994.

C’est un beau hasard, puisque ce sont trois musiciennes que Gabrielle Shonk admire, mais pour le public, c’est presque logique puisque ce sont toutes des autrices-compositrices interprètes qui ont une voix forte, une vulnérabilité qui nourrit leur musique. « Et un juste milieu entre un son folk et un son plus produit », ajouterait Gabrielle Shonk.

C’est en raison de « ce juste milieu » que l’autrice-compositrice-interprète née aux États-Unis et qui a grandi à Québec se sent autant à sa place au sein de sa nouvelle maison de disques Arts & Crafts, berceau de l’indie-rock canadien et d’albums de Broken Social Scene, Andy Shauf et de Feist à ses débuts.

Cela fait déjà plus de cinq ans que Gabrielle Shonk a lancé son premier album avec le major Universal.

« C’est vrai que l’industrie a changé », opine-t-elle quand on lui fait remarquer que le marketing musical a beaucoup évolué depuis. En 2017, les musiciens ne devaient pas penser à TikTok, et tous espéraient avoir le buzz que Gabrielle Shonk a obtenu avec sa chanson Habit (écoutée 6 millions de fois sur Spotify).

Habit fut à la fois une bénédiction et un fardeau pour son autrice-compositrice-interprète. « J’étais un peu dans l’ombre de moi-même… à mon échelle, on s’entend », précise-t-elle avec humilité.

C’est mieux que l’inverse, mais Gabrielle Shonk peut rapidement souffrir d’insécurité, surtout si elle n’est pas entourée d’amis musiciens comme elle aime le faire en studio.

Si son premier album a été « un tourbillon positif » et « un bon tremplin à sa carrière », elle s’est aussi sentie « dépassée par les évènements ». Elle a notamment traversé le Canada en première partie de Bobby Bazini et de Dashboard Confessional, un groupe qui l’a par ailleurs accompagnée, adolescente, dans l’écriture de ses premières chansons. « C’était full circle. »

Quand est venu le temps de commencer à créer le deuxième album, Gabrielle Shonk a été prise d’un vertige. « J’ai pogné un petit deux minutes, raconte-t-elle. J’ai succombé à la pression. Il y avait des attentes… Moi aussi, j’en avais. J’avais trop de jugement par rapport à mon art, ce qui ne laissait pas place à un flow créatif libre. »

Gabrielle Shonk n’a pas connu de périodes de latence pour autant. Elle a plutôt multiplié des séances d’écriture et de composition entre Toronto et Montréal. « J’essayais plein de styles et je me suis un peu éparpillée. »

C’est quoi, mon son ? Qu’est-ce que j’ai envie de dire avec mon deuxième album ? J’étais un peu perdue.

Gabrielle Shonk

Puis, du jour au lendemain, en mars 2020, il a fallu rester chez soi. « La pandémie a créé un silence dont j’avais vraiment besoin. »

Gabrielle Shonk a renoué avec le simple plaisir de faire de la musique avec sa guit, sans attente et avec une certaine naïveté. « Sans impact autre que de m’exprimer. »

« Je me suis perdue pour mieux me retrouver. »

« L’album des deux Jesse »

« Bien humblement, je pense que ma force, ce sont les mélodies », dit Gabrielle Shonk quand on lui confesse bien candidement que les airs de son album Across the Room nous habitent depuis la première écoute.

« C’est ce qui me vient le plus facilement. Mes chansons partent de mélodies et des émotions qu’elles évoquent. »

Une Adele aurait pu chanter la ballade Lately, alors que Remember to Breathe a des sonorités R & B viscérales qui laissent place à un refrain libérateur.

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« C’est l’album des deux Jesse », lance Gabrielle Shonk en référence au fait qu’elle a travaillé avec Jesse Caron de Men I Trust à la coécriture et avec Jesse Mac Cormack à la coréalisation. Deux gars capables de tout, résumons-le ainsi, ou du moins aptes à suivre Shonk vers le dance sous influence (Aftertaste), vers des sons nineties (Reminds Me of you), ou encore vers le jazz (5 A. M.) ou un son pop-rock plus intemporel (People Pleaser).

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Or, Quand le calme reviendra a été coécrite avec son ami Simon Lafrance dans une résidence à Petite-Vallée. Il lance lui aussi son album le 24 février !

« Je voulais vraiment une chanson en français pour l’album. »

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Écrite en pleine tempête devant la mer déchaînée, la pièce folk épurée relate un sentiment propre à la pandémie, mais aussi à toute grande épreuve : l’espoir de grand apaisement après une vague.

Du nouveau

Gabrielle Shonk a commencé mardi dernier une tournée avec les Barr Brother. C’est en solo qu’elle assure les premières parties (à Joliette vendredi soir et à Sherbrooke le lendemain). Ensuite, elle ira se produire aux États-Unis avec Charlie Winston.

Autre fait saillant de sa vie : Gabrielle Shonk vient de s’établir à Montréal.

« Nouvelle ville, nouvel album, nouveau label, nouvelle gérance… », résume-t-elle.

C’est excitant. Mais comme elle le rappelle sur sa chanson Remember to Breathe, il faut parfois juste se souvenir de respirer quand un trop-plein nous monte à la gorge.

Ses origines

Le père de Gabrielle Shonk, le bluesman Peter Shonk, vient du New Jersey et sa mère, de Limoilou. Leur fille est née à Providence, dans l’État du Rhode Island. C’est après sa maternelle que sa famille s’est établie dans un bungalow de l’île d’Orléans. Gabrielle Shonk a grandi essentiellement dans une culture musicale anglophone. « Mon amour pour la musique québécoise est venu à 18 ans quand j’ai découvert Karkwa », souligne celle qui a confié la pochette d’Across the Room à sa mère graphiste et qui a fait relire tous les textes à son père.

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