Le guitariste et réalisateur québécois revisite 10 chansons folk du patrimoine musical de sa mère avec son nouvel album Handled With Care.

Penny Lang, qui s’est éteinte en 2016, aurait 81 ans. Son fils unique revisite sa vie de bohème et de chansons folk avec un naturel déconcertant. « Bien honnêtement, admet fiston, j’étais hésitant à réaliser un album folk, probablement parce que durant toute ma jeunesse, j’ai été exposé à ce milieu, et qui veut vraiment faire comme ses parents ? »

À 21 ans, en 1963, Penny Lang grattait sa guitare au Café St-André sept jours sur sept, cinq sets par soir, pour 5 $. Il y avait aussi d’autres bonnes adresses folk à Montréal, telles The New Penelope, The Yellow Door, The Blue Lantern, puis à Ottawa, au Café Le Hibou. À Toronto, c’était The Riverboat. Tous des lieux de diffusion prisés pour la musique folk en pleine effervescence à cette époque.

C’était une ère au cours de laquelle l’égérie folk a déjà raccroché le combiné du téléphone au nez du jeune poète montréalais Leonard Cohen, après que ce dernier eut poliment demandé si elle accepterait de lui donner des leçons de guitare. Penny Lang, qui filait un mauvais coton (en plus de sa bipolarité), ne se considérait pas comme une enseignante. Fin de la conversation. Schlack !

PHOTO FOURNIE PAR JASON LANG

Penny Lang et son fis, Jason

Faire les choses autrement

D’ordinaire adepte des guitares chauffées à blanc, Jason Lang a accompagné en studio ou en concert les sœurs McGarrigle, Corey Hart, Roch Voisine (cinq albums), Isabelle Boulay, Jean-François Breau, Luce Dufault, Richard Séguin, sans oublier France D’Amour pour qui il a coréalisé, avec elle, plusieurs disques. Il possédait donc assez de ressources pour produire seul cet album intime où il joue de tous les instruments et assez de guts pour en tirer la substance nécessaire.

Quand j’ai commencé à chanter les chansons [de ma mère], ça coulait de source et immédiatement après avoir chanté la première, je me suis dit : ça y est, j’ai trouvé mon chemin.

Jason Lang

Tout comme sa mère, on sent le musicien démangé par un désir de palper l’essentiel de la vie. Il plonge dans les courants du folk et du blues des années 1960 pour les amener vers un univers unique. Avec cette complémentarité des guitares comme une charpente vitale.

« Lorsque tu écoutes les chansons de ma mère, tu la sens, cette ironie, ce côté pince-sans-rire qui aide à mieux assimiler des paroles parfois dures comme celles de Firewater qui parle de l’alcoolisme de mon grand-père. J’arrive de Kansas City où je jouais au festival Folk Alliance et c’est ce que j’ai expliqué au public : les chansons tristes peuvent être chantées gaiement. »

Avis de recherche

Né en 1970, Jason Lang n’a jamais connu son père, mais tout porte à croire qu’il s’agit de l’icône folk et blues de Greenwich Village Dave Van Ronk.

Le même Dave Van Ronk mort en 2002 qui a inspiré le personnage du film de 2013 des frères Coen Inside Llewyn Davis ! Bob Dylan l’admirait et il s’est même lié d’amitié avec lui au point de le visiter régulièrement au début des années 1960. Joan Baez le qualifiait de « Leadbelly blanc ». Le bourru Ronk n’est jamais vraiment sorti de Greenwich Village. D’où sa légende.

« C’est ce que ma mère m’a toujours dit. Elle a eu une seule relation consensuelle avec un homme dans sa vie et c’est lui. J’ai jadis tenté de le rencontrer par l’entremise de son gérant et il n’a rien voulu savoir. Il disait que ma mère était folle et bla, bla, bla... »

C’est tout de même ahurissant qu’un des patriarches blues de la scène folk des années 1950 et 1960 soit le géniteur de Jason Lang.

« Je ressemble davantage à ma mère, mais si tu voyais des photos de mon fils, c’est son grand-père tout craché ! Pour moi, c’est clair qu’il est mon père.

« Si elle était encore vivante et que je réalisais son nouveau disque, quelles seraient ses préférences, sa manière de faire ? se demande par ailleurs Lang. Cela m’interpelle parce que Penny n’était pas très à l’aise dans l’environnement d’un studio. Tandis que moi, à l’opposé, je VIS dans mon studio, j’en mange ! Je pense que si elle était avec nous, je le ferais de la même manière. »

Le gaillard vient d’inventer une sorte de folk affirmée, féconde. Peut-on imaginer Lang submergé de paix et de sérénité avec Handled With Care ? Ou a-t-il simplement rompu une digue intérieure qui le tenaillait ? « Ça m’a permis de redécouvrir les influences musicales de ma mère. Elle écoutait un peu Taj Mahal à cette époque, Richie Havens, et j’ai toujours été un peu bohème, c’est de famille... »

Lancement le 24 février au bar URSA, à Montréal. En spectacle le 25 mars au Super Folk de Morin-Heights.

Handled With Care

Folk

Handled With Care

Jason Lang

Outside Music/Fam Group/Believe