(Las Vegas, Nevada) La Presse a assisté à un des spectacles de la résidence d’Adele au Colosseum du Caesars Palace. Ces soirées Weekends With Adele sont à l’image de l’artiste : à la fois accessibles et magistrales, authentiques et raffinées.

Adele s’est toujours faite rare. Elle ne passe pas des années sur la route à sillonner le monde. En fait, lorsqu’ont débuté ses Weekends With Adele, cela faisait cinq ans qu’on ne l’avait pas vue sur une grande scène. Prenant un soin jaloux à préserver sa vie privée, elle n’est pas non plus de celles qui comblent les absences entre les albums en se maintenant toujours dans l’œil du public.

Assister à l’une des représentations de sa résidence à Las Vegas relève donc du privilège.

Un privilège, d’abord, parce qu’il faut compter plusieurs centaines, voire des milliers de dollars, pour une place convoitée au Colosseum le vendredi ou le samedi soir. Tous ses concerts affichent complet depuis des mois. Il faut maintenant se rabattre sur les plateformes de revente pour se procurer un billet à des prix faramineux. Ce à quoi La Presse s’est résolue.

Un privilège, également, parce qu’un talent comme celui d’Adele a le pouvoir de faire surgir des émotions vives. Et les efforts investis dans ce spectacle donnent à son talent le meilleur espace pour briller. Nous le disions, l’artiste se situe au confluent entre l’accessible et le grandiose. Pendant la soirée, elle passe de longs moments à papoter, à raconter des blagues, à faire en sorte que le public se sente bienvenu. L’autre moitié du temps, elle lui en met plein les yeux et les oreilles, redevient la chanteuse à la voix aux mille reliefs et aux mimiques dignes d’une vraie diva.

De tout pour faire un monde

Nous assistons donc à la prestation du vendredi du neuvième week-end de la résidence. Du plus haut balcon du Colosseum, notre vue de la scène reste tout à fait correcte. Celle de la foule, elle, est imprenable et nous permet d’observer la faune qui s’entasse dans le théâtre du célèbre Caesars Palace.

Jamais n’avions-nous vu autant de robes à paillettes au mètre carré. Les robes de soirée à volant et les chemises rentrées dans le pantalon sont aussi de mise ce soir-là. Pour la plupart des spectateurs, cette soirée avec Adele est manifestement une sortie attendue depuis longtemps.

À l’autre bout du spectre, certains ont opté pour un jean et un t-shirt, d’autres pour des leggings et des baskets.

Le Colosseum est un lieu intime et chaleureux, son espace de 4300 sièges est agrémenté de fausses colonnes imitées de la Rome antique, de briques beiges contrastant avec ses fauteuils rouges et d’une arche théâtrale surplombant la scène.

Adele s’est servie de ce caractère intimiste pour convier le public à une incursion dans sa carrière, nous menant de Hometown Glory à Easy On Me et s’arrêtant par Don’t You Remember, Set Fire to the Rain, When We Were Young et Love in the Dark. Au gré de ses chansons les plus populaires (surtout tirée de l’album 21, son plus connu), elle fait évoluer son numéro vers une mise en scène de plus en plus imposante, dramatique, toujours élégante.

Lorsque le spectacle débute, il n’y a qu’Eric Wortham II et son piano blanc sur scène. Un bel indice de ce qui suivra, soit un concert où le piano sera souvent le principal accompagnateur de la voix. Adele cherche à reproduire l’intimité d’un spectacle de salon. L’interprétation acoustique de plusieurs pièces permet de s’approcher de cette ambiance. Le pianiste de longue date de la chanteuse joue l’introduction de To be Loved, tirée du dernier album d’Adele, 30, puis les accords divergent et c’est le début de la pièce Hello qui emplit le Colosseum pour lancer la soirée.

Adele surgit sur scène. Dès cet instant et jusqu’à la fin de la prestation, sa voix est sans faille, ne cherche jamais à remplacer les nombreuses hautes notes par d’autres plus faciles à chanter.

Sa prestance et sa grâce sont projetées en version géante sur les écrans colossaux, qui joueront toute la soirée un rôle majeur dans l’impact visuel du spectacle. On y verra des diffusions en simultané du spectacle. D’autres fois, les caméras laisseront le relais à des vidéos préconçues (un vidéoclip pour Oh my God, un orchestre virtuel de 14 cordes pour Skyfall, une mosaïque de photos de jeunesse durant When We Were Young, une aquarelle de forêt colorée géante pour Love Is a Game, dernière chanson du concert).

Des t-shirts gratuits et des larmes

Bien vite, on comprend qu’Adele n’est pas seulement là pour donner une prestation, mais pour partager un moment. Elle fait tirer des places au parterre parmi les spectateurs sur le balcon. Elle s’amuse avec un canon à t-shirts (la foule adore !). Elle raconte toutes sortes d’anecdotes amusantes. Elle descend parler à son public, l’interroge, comme si elle animait tout à coup son propre talk-show.

Alors qu’elle se promène de nouveau dans la salle au moment de chanter When We Were Young, un homme lui montre une photo sur son téléphone. À la fin de la chanson, elle explique au micro avoir compris trop tard qu’il s’agissait d’un cliché de sa femme disparue. En pleurs, elle offre ses condoléances au spectateur. À côté de nous, deux amies essuient leurs larmes.

Ce genre de moments (et bien d’autres) justifient le mieux les Weekends With Adele. La chanteuse n’aurait pas eu de mal à remplir les arénas et les stades de son choix. Il est sûrement plus économique (en argent et en énergie) de se tourner vers une résidence, avec la certitude qu’un public sera prêt à se déplacer pour elle à Las Vegas. Mais, surtout, ce modèle la sert magnifiquement et elle en tire parfaitement avantage.

On ressort de son spectacle avec le sentiment d’avoir été témoin d’un moment intime, majestueux et raffiné. De toute beauté.

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