Avec son deuxième MTelus rempli à craquer en moins d’un an, Les Louanges a bouclé la boucle jeudi soir d’une grosse année de tournée qui l’a mené partout au Québec et même en Europe. Arrivé dans l’intention de tout donner, il a livré une performance hors du commun, incandescente et habitée, et il a reçu autant en retour.

« La dernière fois que je suis venu ici, c’était le meilleur show de ma vie. Est-ce qu’on est capables de topper ça ? », a-t-il lancé dès le début à la foule bruyante, qui avait déjà réservé un accueil plus que chaleureux (et mérité) à la rappeuse française Brö en première partie.

Lui en tout cas était prêt pour ce marathon de deux heures bien comptées pendant lesquelles il a sans arrêt arpenté la scène de bord en bord : il a bien dû marcher plusieurs kilomètres sans jamais ralentir la cadence.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Les Louanges a livré une performance très physique.

Entre La nuit est une panthère, son premier album sorti en 2018, et Crash, son plus récent lancé en janvier 2022, Vincent Roberge a pris de la maturité et ça paraît. Il est toujours aussi physique, mais il a délaissé son côté un peu arrogant pour un investissement plus intense.

La dégaine déliée et l’apparente nonchalance sont toujours au rendez-vous, mais derrière se cache un performeur de haut niveau, qui est moins dans le « regardez ce que je suis capable de faire » de ses débuts et plus dans l’instant, allant chercher la foule chanson après chanson sans relâcher.

Le spectacle s’ouvre avec Prologue, alors que seules se découpent les ombres du chanteur, des quatre choristes et des cinq musiciens – un ensemble à géométrie variable selon les besoins. Puis, dans Chaussée, Les Louanges s’avance dans la lumière, alors que le reste du groupe demeure dans un éclairage brumeux. Cette ambiance vaporeuse restera installée ainsi toute la soirée, le chanteur se promenant régulièrement entre le tamisé et la clarté.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Le spectacle s’est déroulé dans une ambiance vaporeuse.

Sur disque, la chanson pop aux teintes R&B et jazz des Louanges est déjà convaincante. Sur scène, sa musique se déploie encore plus, entre autres avec de longues intros et des ponts surprenants qui laissent beaucoup de place à l’improvisation, accentuant ce qui est déjà là. Ainsi la soul de Qu’est-ce que tu m’fais est encore plus soul, les finales de Dm’s et Wescott deviennent littéralement jazz, son interprétation de La nuit est une panthère et de Chérie est encore plus sensuelle.

Résultat : chaque fois qu’on a l’impression d’atteindre un sommet, la pièce suivante gravit un échelon de plus. Même lors d’un enchaînement plus sombre et moins dansant, avec les récentes Encore, Mono, Bolero et Cruze, la finale expérimentale, distorsionnée et très lourde est tellement épique que ce qui aurait pu être un léger creux se transforme en un (autre) moment fort.

Et le public, très jeune – beaucoup, beaucoup de vingtenaires, une infime minorité de 40 ans et plus ! –, adhère à chaque proposition, que ce soit lors d’un genre de danse-duel avec son complice saxophoniste Félix Petit sur Jupiter ou d’un instant de grâce quand il s’immobilise enfin, le temps de chanter la poignante Facile, ce qui permet aussi d’apprécier sa voix à sa juste valeur.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Un public jeune et vibrant qui a chanté toute la soirée

Les Louanges a récolté le fruit de cette charge électrique constante : à quelques moments, dans un (court) silence entre deux chansons, cris et applaudissements se sont élevés à en faire sauter le plafond pour lui envoyer de l’amour – qu’il a pris le temps d’accueillir, le cœur grand ouvert.

En fait, l’échange a été constant entre le public et lui : toute la soirée, le parterre hyper bondé a bougé en suivant ses grooves lancinants, et on a entendu la foule chanter sur pratiquement toutes les chansons, couplets et refrains, les voix se frayant même un chemin par-dessus la musique, ou prenant toute la place lorsqu’il leur en laissait la chance.

Après avoir partagé Crash avec Brö en remplacement de Corneille et terminé sur Pitou dans une explosion de joie et de mains levées, Les Louanges est réapparu au balcon pour chanter une nouvelle chanson, Central Park La Fontaine. Et chose rare, le silence tout à coup s’est fait pour une écoute attentive, dans ce qu’on peut qualifier sans exagérer de moment de magie.

Les Louanges est ensuite redescendu sur scène avec sa Tercel 96, pour un joyeux délire de jam et de body surfing, et le public, pas fatigué pour deux sous, chantait toujours.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

C’était la deuxième fois que Les Louanges chantait au MTelus en moins d’un an.

« Tout ça, c’est pour vous autres. Vous savez pas à quel point je vous aime », a-t-il dit dans un discours très émotif lorsqu’il est revenu s’installer seul au piano pour Parc Ex et Dernière.

« À chaque fois j’ai peur que ce soit la dernière », chante-t-il dans cette poignante chanson d’amour, qui pourrait très bien s’adresser à son public. Mais de ce côté-là, pas d’inquiétude : Les Louanges est dans une classe à part, et franchement, on ne voit pas comment ça pourrait s’arrêter. La question est plutôt de savoir jusqu’où il ira.