(Paris) Avec Stromae, OrelSan et Angèle en tête des nominations, les Victoires de la musique, grand-messe de la chanson francophone vendredi près de Paris, se voient reprocher un air de « déjà-vu » en privilégiant des artistes reconnus plutôt que des talents émergents.

Certes, Stromae (quatre nominations) a marqué une pause discographique de neuf ans après un épuisement professionnel dont il s’est relevé. Mais le Belge était le président d’honneur des Victoires l’an passé et il possède déjà cinq Victoires. OrelSan, qui a signé un triplé l’an passé (9 Victoires au total), présente trois nominations, tout comme Angèle (3 Victoires déjà).  

« Il y a un goût de déjà-vu. On a assisté à une saison de reprise du live – après la crise sanitaire – riche, intense, avec pas mal de nouveaux projets qu’on ne retrouve pratiquement pas aux Victoires », commente pour l’AFP Antoine Dabrowski, directeur d’antenne de Tsugi Radio, webradio du magazine éponyme.  

« Malgré les tentatives de changements des Victoires, il se déclenche des critiques à leur endroit », poursuit ce responsable dont le média publie ses propres nominations aux Victoires.

« Les Victoires s’obstinent, pas de prix spécifiques : les catégories électro, rock, rap, musiques du monde… ont disparu depuis 2019 », a taclé sur Twitter Emilie Mazoyer, animatrice de l’émission radio Décibels sur France Bleu.

« Ouvrir »

« Surtout, restez bien entre vous et vos petits arrangements, on n’a jamais eu besoin de vous pour exister, et être la seule musique française qui s’exporte », cingle sur Twitter Yuksek, figure de l’électro.  

Seul Jacques, représentant de ce courant, est nommé dans les révélations. Alors que DJ Snake officie au Super Bowl aux États-Unis ce week-end et que le label Ed Banger, qui a sorti Justice, fête ses 20 ans.

Le rap, en dehors de Bigflo & Oli et OrelSan, est également sous-représenté dans les catégories reines au regard de la scène francophone bouillonnante et de son hégémonie. Tiakola et Lujipeka sont dans les révélations et Ninho recevra une Victoire d’artiste masculin à l’album le plus écouté sur les plateformes de diffusion en continu.

Les 38e Victoires – à la Seine Musicale, aux portes de Paris, diffusées vendredi soir sur la chaîne France 2 et la radio France – ont pourtant fait des efforts et trois femmes, sur cinq nommés, prétendent au titre de meilleur album.  

« La première chose à travailler, c’est le collège des votants. Cette année, on est globalement arrivé à 50 % de nouveaux votants et, au lieu de voter pour un artiste, on pouvait donner son top 3 », souligne pour l’AFP Stéphane Espinosa, président des Victoires, arrivé au terme de ce mandat de deux ans seulement.  

« C’est un travail de longue haleine. Je laisse la présidence à d’autres, à eux de continuer à ouvrir d’autres pistes », poursuit le dirigeant.

Alternatives

Le collège de 800 votants est dominé par des professionnels de l’industrie musicale. Seule la catégorie chanson de l’année est ouverte au vote du public. Cette année, un vote du jeune public a été encouragé.

Au-delà des critiques, deux cérémonies alternatives se sont organisées. Le prix Joséphine a été remis pour la première fois à November Ultra - nommée aux révélations des Victoires – en 2022 lors d’une soirée-concert en public à Radio France. Le jury comprenait des artistes comme Imany, Oxmo Puccino ou L’Impératrice.

Les Flammes, prix musicaux axés sur le rap et autres courants affiliés, tiendront leur première édition le 11 mai au Théâtre du Châtelet à Paris. À la clé, 21 récompenses, soit le double des Victoires. Les organisateurs sont des médias spécialisés dans « les cultures populaires », tels YARD, Booska-P, sans oublier Smile, une agence de conseil, et le soutien de Spotify.

La « grande majorité des Flammes » seront décernées « via un mélange égal » de deux panels de votants, métiers liés à la filière musicale et grand public, promettent-ils. Les artistes nommés seront dévoilés prochainement.