L’allumée trompettiste Rachel Therrien en mal d’émotions neuves entretient ses velléités afro-jazz latin avec Mi Hogar vol. 1, un sixième disque de tout premier plan

Dimanche dernier, la trompettiste et bugliste Rachel Therrien était au gala des Grammy à Los Angeles, répondant à l’invitation d’Arturo O'Farrill, leader de l’Afro-Latin Jazz Orchestra dont fait partie Rachel depuis 2018 et qui a fait bouger, deux heures durant, les bonzes de l’industrie de la musique tout de suite après la cérémonie.

La veille, elle jouait au Moulinet à Terrebonne, avec ses cinq musiciens, l’essentiel de Mi Hogar vol. 1, qui veut dire Ma maison, son nouveau projet. Décalage garanti !

En plus, le 17 décembre dernier, la souffleuse se joignait au house band de la prestigieuse émission de fin de soirée américaine Saturday Night Live à l’invitation de Lenny Pickett, saxophoniste et directeur musical du réputé ensemble. Tout ça grâce à ses contacts new-yorkais, ses fréquentes visites et son pied-à-terre à Brooklyn. « Je finance mes projets en jouant avec d’autres artistes », dévoile-t-elle. De son propre aveu, elle n’obtient pas la reconnaissance qu’elle mérite, mais ces deux évènements tendent à prouver tout le contraire !

Ces jours-ci, c’est la nomination de The Ostara Project, un collectif de musiciennes jazz pancanadiennes dont elle fait partie, qui est en lice aux prix Juno présentés le 13 mars prochain.

Mi Hogar vol. 1, le projet afro-latin

Les sept morceaux qu’ont concoctés les 20 musiciens latins au sang agité, en plus de Mélissa Lavergne et de ses percussions suintantes, tous invités aux séances de Montréal, Toronto et New York, sont subtils et surprenants de vigueur. « C’est la première fois que j’incorpore du jazz et du classique sur mes enregistrements », dit Rachel Therrien, le nez dans sa valise avant son départ pour Los Angeles.

Capricho Arabe donne le ton aux premières notes. Les arrangements de la musicienne sur un morceau classique du guitariste espagnol Francisco Tárrega sont d’une virilité décuplée, avec quelques échappées de danzón. « J’adore le son de la guitare classique et j’avais envie de me faire un défi d’arranger la pièce en jazz latin, ce qui a su mettre en évidence [le bassiste québécois] Alex Bellegarde, mon acolyte depuis l’adolescence. »

Elle reste dans des schémas très latins. « C’est la musique qui me rend la plus heureuse à jouer sur une scène ! Mes compositions sont majoritairement axées sur la mélodie et la percussion. Et après, j’ajoute la viande dans le milieu [rires].

« Avec le bugle, c’est la même texture sonore, le même registre de notes que sur la trompette, mais le son est beaucoup plus rond, plus large », ajoute celle qui maîtrise l’art consommé de monter en neige des compositions évidentes.

Pour moi, la trompette est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix : c’est un amplificateur de ce que l’on souffle avec nos muscles et notre caisse de résonance. Ce sont les mêmes techniques de respiration que quand on chante.

Rachel Therrien, trompettiste

En valeur ajoutée, le pianiste vénézuélien Gabriel Chakarji se lâche lousse sur Mojo dans la tradition pure des mythiques Irakere et autres légendes cubaines. « Ça m’a pris cinq albums avant de faire le disque que j’ai toujours voulu faire, avoue-t-elle. Mi Hogar vol. 1 est mon sixième, mais avec la sensation du premier. » C’est le label indépendant new-yorkais Outside In Music qui le fait paraître.

Cuba, terre de mélanges et de rencontres

Rachel Therrien a étudié à Cuba en 2008 à l’Institut supérieur de l’art, à La Havane. « Je suis arrivée là-bas avec tout plein de manque de confiance », admet la musicienne de 35 ans, qui a passé son enfance à Rimouski et qui faisait partie d’un groupe de corps de tambours et de clairons durant sa jeunesse. « J’étais sur le point d’abandonner la musique. Certaines personnes me disaient que je n’avais pas d’avenir. On parle du machisme latin, mais en vérité, c’est en Amérique du Nord qu’on m’a le plus fermé les portes. »

Avec des visions moins brûlantes, mais au romantisme aussi dense, avec le félin doigté de son approche, on savoure ses astucieux arrangements sur Moment’s Notice de John Coltrane et Con Alma de Dizzy Gillespie. Ce dernier a ouvert les portes aux musiciens occidentaux au pays de Fidel.

Je me suis toujours sentie bien dans cette communauté qui m’accueille à bras ouverts. Tout ce qui naît en musique et en collaborations à Cuba reste toujours un peu hybride.

Rachel Therrien, trompettiste

Le 19 avril prochain, elle débarquera à Paris au Sunset Jazz Club pour se frotter à des musiciens français, puis à la fin de juillet, c’est l’incontournable Jazz in Marciac qui se retrouvera sur sa route, toujours en France, afin d’y transmettre ses connaissances lors d’ateliers.

Avec une carrière toujours en mouvement dans les virages, elle montre une surprenante constance, en plus de mener quasiment trois carrières de front. Il va falloir vous accrocher pour la suivre.

Lancement de l’album le mercredi 15 mars, O Patro Vys, 20 h

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Mi Hogar Vol. 1

Jazz latin

Mi Hogar Vol. 1

Rachel Therrien

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