L’Orchestre symphonique de Montréal donnait son premier programme de l’année mercredi et jeudi. La Presse a assisté au dernier concert.

Ceux qui espéraient revoir Nikolaj Skeps-Znaider diriger l’OSM ont été déçus, le chef – et ancien violoniste – ayant annulé à quelques jours d’avis pour des raisons de santé. Pour le remplacer, l’organisation a fait appel au Russe Andrey Boreyko, un chef de 65 ans qui a cumulé différents postes (dont celui de directeur musical de l’Orchestre symphonique de Winnipeg au début des années 2000) et est désormais à la tête du vénérable Philharmonique de Varsovie.

Il faut dire qu’il n’y a pas des centaines de chefs qui maîtrisent La petite sirène (Die Seejungfrau en allemand) de Zemlinsky, au programme de la deuxième moitié de la soirée. Boreyko en a fait une de ses pièces signatures, qu’il promène un peu partout sur la planète.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le chef d’orchestre Andrey Boreyko

La partition, sorte de poème symphonique en trois mouvements, avait été exécutée la dernière fois à l’OSM en 2019 par le jeune Lorenzo Viotti. S’inspirant du célèbre conte d’Andersen, elle a été créée alors que le compositeur vivait une intense peine d’amour après avoir été éconduit par Alma Schindler, future femme de Gustav Mahler. Beau-frère de Schoenberg, Zemlinsky y distille un langage postromantique aussi proche de La nuit transfigurée du premier que des grands poèmes symphoniques de Richard Strauss.

C’est un euphémisme de dire que l’interprétation de Boreyko ne nous a guère enthousiasmé. Il y a un phénomène étrange qui fait que la perception qu’a un interprète de son propre jeu n’est pas la même que celle qu’en a le public. Dans le cas de l’invité de l’OSM, on a plus l’impression d’un chef qui se fait plaisir, s’enivrant de la matière orchestrale, aux dépens de la direction d’ensemble.

Cela est patent dès l’ouverture de Tannhäuser, qui ouvrait la soirée. Sa propension à la boursouflure ne dérange pas d’emblée, même si Wagner précise « sans traîner, dans un mouvement allant », en plus de l’indication principale andante maestoso. Mais quand arrive l’Allegro, la partie « bachique », ça ne va plus du tout. Il y a une tension dans cette œuvre, entre volupté et repentir, une ambivalence qu’on doit sentir dès l’ouverture. Ici, tout est lissé du début à la fin. Chaque note pèse une tonne.

Il n’en va pas autrement dans La petite sirène. Boreyko sculpte chaque mesure comme si sa vie en dépendait, mais on perd totalement la direction d’ensemble. Comme un acteur récitant un texte en accentuant chaque syllabe. Orchestralement, cela sonne très bien (magnifiques solos du violon solo Andrew Wan), mais ce qu’on s’ennuie…

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Le violoniste Maxim Vengerov

Le héros de la soirée est davantage son compatriote, le violoniste Maxim Vengerov, un habitué de l’OSM. Son Concerto no 1 en sol mineur, opus 26, de Max Bruch était un véritable vent de fraîcheur. Du bon violon sain et revigorant. Lui ne coupe pas les cheveux en quatre, contrairement au chef, qui débite le thème principal de la célèbre finale en saucisson… Pourquoi répéter trois fois de la même manière la cellule de base du thème ?

En rappel, Vengerov nous a offert (« si vous avez le temps », a-t-il lancé en français) l’adagio de la Sonate pour violon no 1 en sol mineur, BWV 1001, de Bach, dans une interprétation un brin romantique, mais sincère comme tout.