Les chansons de Måneskin ont été écoutées à 6 milliards de reprises au cours de la dernière année sur les plateformes de diffusion web, dont plus de 1 milliard pour son mégasuccès Beggin’, irrésistible reprise d’un vieux tube des Four Seasons. C’est peut-être peu si on compare aux ténors de la pop, mais c’est énorme pour un jeune groupe de hard rock dont beaucoup de chansons sont en italien.

Le quatuor romain s’affiche en fait de plus en plus comme pilier du renouveau rock, statut qu’il entend solidifier davantage avec son troisième album, Rush !, dont le lancement est prévu le 20 janvier. La Presse a rencontré le groupe au lendemain de son incroyable spectacle livré à guichets fermés au MTelus, en novembre 2022.

PHOTO FABIO GERMINARIO, FOURNIE PAR SONY MUSIQUE

Måneskin au MTelus

Accueil plus que chaleureux

Le MTelus était chauffé à bloc avant même que le groupe n’arrive sur scène. Rarement, en fait, avait-on vu la salle montréalaise aussi bruyante, et c’est demeuré ainsi durant tout le spectacle – notre oreille interne en témoignait encore le lendemain matin. « C’était incroyable, reconnaît le chanteur Damiano David. Pour nous, être sur scène est la chose la plus importante. On profite simplement du moment et quand la foule est comme hier, tout est très, très facile. »

« Nous avons aussi été très impressionnés en voyant que les gens dans la foule chantaient nos chansons en italien, c’était complètement fou ! », s’empresse d’ajouter son collègue guitariste Thomas Raggi. On remarque effectivement que les succès comme Zitti e buoni – chanson qui a permis à Måneskin de remporter les honneurs du concours Eurovison en 2021 – sont entonnés en chœur par le public en liesse ; mais on constate aussi que les voix claires sont celles de très jeunes fans, quelques-uns accompagnés de leurs parents.

Måneskin serait-il devenu l’ambassadeur du rock auprès de la génération Z ? « Nous avons grandi avec le genre de musique que nos parents écoutaient, au même moment où nous commencions à jouer de nos instruments, explique la bassiste Victoria De Angelis. Ils nous ont donc un peu initiés à ce genre de musique quand nous étions enfants, tout ça nous semblait naturel. Et quand nous avons commencé à faire des concerts, nous avons immédiatement su que c’était la direction que nous voulions prendre, parce que c’est ce qui nous permet de nous exprimer comme on l’entend, même si ce n’est pas le style le plus populaire de nos jours. Nous voyons ça comme un défi, car nous n’allons pas laisser les labels ou l’industrie nous dire ce que nous devons faire. »

Pas qu’un look

Cette attitude frondeuse définit aussi l’allure du groupe, rafraîchissante réinterprétation du look glam des années 1970 avec un fort penchant provocateur – sa prestation aux derniers MTV Video Music Awards fait d’ailleurs encore jaser. Bien assise sur le sofa d’une suite de l’hôtel W en compagnie de ses trois comparses, Victoria De Angelis se dresse sur le bout de son siège quand on lui demande s’il est nécessaire de conserver un équilibre entre allure et musique.

C’est tellement stupide quand on juge les artistes en se basant uniquement sur leur apparence ou quand on pense qu’un groupe néglige sa musique sous prétexte qu’il se soucie de son look, comme si ce n’était pas du vrai rock. Plein de grands artistes ont fait les deux depuis le début, comme Iggy et les Stooges, Bowie ou Blondie. Pour nous, c’est un moyen d’expression.

Victoria De Angelis, bassiste de Måneskin

« Je pense aussi que ce n’était pas commun d’adopter un look comme le nôtre tout en jouant dans un groupe rock, c’était même considéré comme bizarre. Certains se moquaient de nous, vous savez, enchaîne l’éloquente jeune femme de 22 ans. Donc je pense que tout ça a contribué à nous donner la force d’être nous-mêmes et de dire : “Fuck, c’est ce que nous sommes, c’est comme ça que l’on veut s’habiller, c’est ça que l’on veut faire.” »

PHOTO FABIO GERMINARIO, FOURNIE PAR SONY MUSIQUE

Le chanteur Damiano David s’est permis quelques bains de foule au MTelus.

On ressent d’ailleurs cette énergie créative à l’écoute des pièces du nouvel album, composées en partie à l’occasion d’une des rares pauses que le groupe a pu s’offrir, de février à mai derniers, dans une maison louée à Los Angeles. Cela a notamment permis aux quatre membres d’explorer quelques avenues inédites.

« Pour cet album, nous essayons de célébrer nos différences et nos quatre individualités, soutient Damiano David. Par exemple, je n’ai pas un héritage rock’n’roll authentique ; j’apporte donc une lecture pop grand public à nos mélodies et à nos textes. C’est entre autres ce qui fait la différence. Aussi, nous écoutons beaucoup de musique électronique, du hip-hop et d’autres types de musique, et je pense que nous arrivons à intégrer toutes ces influences dans notre musique. »

Le résultat est un rock frais, qui bouscule autant qu’il fédère, en s’éloignant de la formule pastichée employée par certains des jeunes contemporains du groupe. Donc, ambassadeur du renouveau rock, Måneskin ? Il n’y a aucun doute.

Rush !

Rock

Rush !

Måneskin

Sortie le 20 janvier