Immanquable, tant sur les scènes qu'à la télévision en 2018, Hubert Lenoir a fini l'année en beauté en remportant quatre Félix au Gala de l'ADISQ pour son premier album solo, Darlène (révélation de l'année, album pop de l'année, album de l'année (selon la critique), chanson de l'année pour Fille de personne II) et avec un spectacle intense aux Foufs. Retour en sept thèmes sur l'année Lenoir.

L'éclectique

Darlène, album concept qui accompagne en février la parution du roman du même nom de Noémie D. Leclerc, révèle au grand public les multiples talents d'Hubert Lenoir. Un album riche, ambitieux, foisonnant d'idées. Une somme aussi éclectique que séduisante de pop, de glam rock, de rock progressif, de jazz et de R&B. L'album québécois le plus remarqué - et le plus marquant - de la dernière année.

La bête de scène 

Sur la petite scène des Foufounes électriques, début décembre, à l'occasion de la première montréalaise de son spectacle, Hubert Lenoir saute sur place comme une puce. Il se heurte une tempe contre son micro sur pied, passe près d'éborgner sa choriste avec le manche de sa guitare. Il s'offre tout entier, se démène, sans fausse note. Il boit une rasade de téquila, à même la bouteille, qu'il ne recrache pas au visage des spectateurs, contrairement à l'eau dont il s'est gargarisé un peu plus tôt. Sans avertissement, il s'agrippe à un rail qui longe le mur, progresse de dix mètres et se laisse choir dans un demi-salto arrière, directement dans la foule. Un saut de l'ange périlleux, entrepris avec la confiance aveugle d'un artiste envers un public venu communier avec lui.

L'androgyne

Cheveux tressés, visage maquillé, torse imberbe, le look androgyne d'Hubert est un croisement de Marc Bolan (T-Rex), Nicolas Sirkis (Indochine) et Billy Joe Armstrong (Green Day). Sur scène, aux Foufs, il embrasse son bassiste à bouche que veux-tu et en fait de même avec son amoureuse Noémie D. Leclerc, qu'il implore de le rejoindre sur scène. Il chante une nouvelle composition, où il est question de lui et d'être « à moitié fille, à moitié garçon », au grand plaisir d'un public dominé par la figure milléniale-sans-brassière-à-jeans-taille-haute-et-lunettes- aux-montures-surdimensionnées. «Vive le féminisme! Si vous n'êtes pas féministes, vous êtes des hosties de caves!», dit-il avant de chanter Fille de personne III.

Le glam punk

Dès son entrée sur scène, le même soir, Lenoir envoie un doigt d'honneur à ses admirateurs. Il insiste pour que se crée devant lui un mosh pit et va thrasher avec ses fans, comme dans un show punk, mais au son d'un solo... de saxophone langoureux. Au rappel, dans un vacarme sonore, il interprète Smells Like Teen Spirit, et on le soupçonne d'avoir voulu que sa rentrée montréalaise ait lieu aux Foufounes électriques - plutôt que dans une plus grande salle, qu'il aurait pu aisément remplir - parce que c'est ici que s'est produit pour la première fois Nirvana au Québec.

L'enfant terrible 

Provocateur, arrogant, sardonique, il ne craint pas la polémique. Dans un Québec qui se formalise du t-shirt d'une députée poète, Hubert Lenoir polarise. Son anticonformisme peut être perçu comme maladroit, voire puéril, ou comme un courant d'air frais nécessaire. En mai, pendant une performance à la populaire émission La voix de TVA, il se dénude une fesse, exposant un tatouage de «fleur de lys qui éjacule». Au Gala de l'ADISQ, fin octobre, vêtu d'une robe de soie et de dentelle sur un t-shirt du groupe hardcore Anthrax, il suscite la controverse lorsqu'il s'enfonce un Félix dans la gorge. «J'aimerais rétablir les faits, déclare-t-il, narquois, au public des Foufounes électriques. Je n'ai pas essayé de me faire vomir avec le fucking trophée. Je n'ai pas manqué de respect envers Félix Leclerc. J'ai "deep throat" le fucking Félix! Jamais de ma vie je vais "deep throat" quelqu'un que je ne respecte pas! Fuck Mario Pelchat pis ses prêtres!»

L'arrogant sensible 

De passage sur le plateau de Tout le monde en parle, à la mi-octobre, Hubert Lenoir qualifie son premier album solo de «chef-d'oeuvre», dit vouloir être comparé à Rihanna, Beyoncé et Kendrick Lamar et déclare, pour finir, avoir «un peu le goût de [se] crisser en feu», alors que le comédien Michel Courtemanche, à ses côtés, vient de parler de ses problèmes de santé mentale. Derrière ces déclarations incendiaires (s'cusez-la), il y a un artiste manifestement sensible, qui n'est pas complètement imperméable aux réactions qu'il provoque: «J'ai vécu les neuf mois les plus fuckés de ma vie, confie-t-il au public des Foufs début décembre. Ma vie est rough.»

Le travailleur saisonnier 

Fin novembre, Hubert Chiasson, dit Lenoir, originaire de Beauport, en banlieue de Québec, fait paraître Midnight, Let's Get a Hot Dog, nouvel album de The Seasons, groupe qu'il a fondé à 17 ans avec son frère aîné Julien. Du glam rock et du new wave, du rockabilly et du rock'n'roll. Des mélodies beatlesques, composées avec le regretté réalisateur Richard Swift, ex-The Shins. Un album cru, qui n'est pas sans rappeler Darlène, sans être d'un aussi grand cru.