Beyrouth devient à partir de jeudi «capitale mondiale du livre pour l'année 2009» dans le cadre de l'UNESCO, à l'heure où la production littéraire connaît un boom dans le monde arabe mais reste en manque de lecteurs.

«Le rythme de production de romans arabes s'est accéléré durant la dernière décennie», affirme à l'AFP Hassan Daoud, romancier libanais et responsable du supplément littéraire du quotidien Al Moustaqbal.

«Plus de 100 romans étaient candidats à la version arabe du prix Booker en 2008, un chiffre sans précédent», précise Fakhri Saleh, ancien membre du jury pour ce prix et actuellement président de l'Association des critiques littéraires jordaniens.

Dans la foulée du succès en 2002 du roman d'Alaa al-Aswani, L'immeuble Yacoubian, qui dépeint la corruption du régime et la montée de l'islamisme en Égypte, une multitude d'ouvrages s'attaquant à des sujets tabous ont vu le jour, jusque dans des pays où ce genre littéraire n'était pas en vogue.

«La production de romans a explosé dans les pays du Golfe au cours des récentes années», indique Rana Idriss, directrice de la prestigieuse maison d'édition Al Adab (Les lettres) basée à Beyrouth.

En 2005, l'ouvrage de la Saoudienne Rajaa al-Sanea, Les filles de Ryad, a fait grand bruit en décrivant la vie de quatre jeunes femmes de la classe aisée dans le royaume ultra-conservateur, et a été traduit en plusieurs langues.

«L'individualisme et le moi se réveillent dans le monde arabe à travers le roman. C'est comme s'il s'agissait d'une résistance personnelle contre l'oppression», affirme Jabbour Douayhi, romancier libanais.

Toutefois, les critiques s'accordent à dire que les nouveaux romanciers ne se hissent pas encore à la hauteur de l'Egyptien Naguib Mahfouz, seul écrivain arabe à avoir reçu le prix Nobel de littérature, ou du Soudanais Tayeb Saleh, auteur du célébrissime Saison de migration vers le nord.

Ces deux figures de la littérature arabe contemporaine connus au niveau mondial ont disparu respectivement en 2006 et début 2009.

«C'est très positif d'avoir du sang nouveau, mais beaucoup d'ouvrages ne peuvent pas être qualifiés de romans ou ont un niveau très moyen, reposant uniquement sur l'audace de parler sexe ou religion», explique Mme Idriss.

«Il y a chez certains une rapidité dans l'écriture aux dépens des critères de base du roman», affirme M. Daoud. «Oser est très bien, mais il faut se demander si tous les romans dits «audacieux» vont devenir intemporels et entrer dans le patrimoine littéraire arabe», ajoute-t-il.

Mais de toute évidence, les ouvrages du 21e siècle ravissent les lecteurs arabes et surtout étrangers.

«Le roman arabe offre actuellement aux Occidentaux un outil «anthropologique» pour qu'ils comprennent ce monde arabe accusé de terrorisme après les attentats du 11 septembre», dit M. Saleh.

«L'Occident aime les romans arabes qui traitent de l'oppression politique, de la question des femmes ou des tabous sexuels. Il veut de l'exotique et essaie de découvrir la région à travers nos ouvrages», estime M. Douayhi.

Paradoxalement, dans le monde arabe, même si le roman reste le plus attirant des genres littéraires, la lecture en tant que telle n'est pas une pratique courante.

«La lecture est en recul bien évidemment. On ne peut pas parler d'un monde arabe qui lit», admet Mme Idriss.

«Du coup, un best-seller vend 3000 exemplaires maximum», dit-elle, un chiffre bien en deça des chiffres de publication en Europe ou aux États-Unis et presque dérisoire pour les 300 millions d'Arabes.

Mais «écrire en arabe est devenu très à la mode et on commence à voir des jeunes branchés qui se lancent dans le roman, une tendance qui reste timide mais qui nous donne espoir», affirme Mme Idriss.