Des corps démembrés, un crâne recouvert d'une substance visqueuse, des restes décomposés qui dégagent des odeurs nauséabondes... Depuis bientôt 20 ans, celle qui a été surnommée «la reine du thriller médicolégal» fait frissonner des milliers de lecteurs avec les découvertes sordides de l'anthropologue judiciaire Temperance Brennan. Rencontre avec Kathy Reichs, une romancière au coeur bien accroché.

Dans son nouveau livre, Petite collection d'os, l'auteure à succès américaine rassemble quatre nouvelles, dont l'une évoque les premiers pas en salle d'autopsie de Temperance Brennan, son héroïne et alter ego. L'auteure américaine y raconte entre autres comment, à l'université, deux détectives ont changé le cours de sa vie.

«L'histoire de Tempe est la mienne, en fait, explique Kathy Reichs, qui était de passage à Montréal au début du mois d'octobre. C'est après la visite de deux policiers dans mon laboratoire que j'ai été entraînée vers l'anthropologie judiciaire, plutôt que de me diriger vers la bioarchéologie et de travailler sur des squelettes anciens.»

La spécialiste qui «murmure à l'oreille des os» - c'est ainsi que la baptise l'un des deux policiers en question - est rapidement séduite par «le côté excitant» du travail sur des affaires criminelles. Elle se souvient encore à quel point elle était fascinée par le domaine et toujours curieuse lorsque des policiers soumettaient des cas à résoudre à son professeur et mentor.

«Je trouvais ça excitant d'être impliquée dans une histoire que je lirais en ouvrant le journal. Mais je n'aurais jamais pensé exercer ce métier», confie-t-elle.

Rester fidèle à la réalité

En décrivant des scènes à glacer le sang dans les veines, la romancière ne cherche ni à choquer ni à exagérer la réalité de l'expertise médicolégale. Les descriptions chirurgicales des cas même les plus répugnants ne rebutent pas Kathy Reichs, mais on n'y trouve pas d'excès - les faits suffisent à eux seuls. Elle peaufine l'aspect scientifique de ses enquêtes pour décrire avec fidélité un métier qui côtoie la mort et l'horreur au quotidien.

«Je tiens à inclure un maximum de détails pour rendre mes romans authentiques et donner au lecteur la sensation d'être sur place. Alors c'est normal pour moi d'inclure les odeurs, les larves et même les taquineries des policiers qui plaisantent pour essayer de détendre l'atmosphère dans les salles d'autopsie.»

«Il faut une certaine dose de maîtrise psychologique pour être capable de travailler avec la putréfaction, la momification, la décomposition et toutes les odeurs qui viennent avec... Mais c'est aussi une question de pratique. On finit par s'y habituer. Des fois, des policiers se présentaient dans mon laboratoire et se mettaient du Vicks sous le nez pour essayer de camoufler l'odeur, mais il n'y a pas vraiment de façon d'éviter de sentir.»

Kathy Reichs s'inspire encore à ce jour de cas vécus, par elle ou par ses collègues, puisqu'elle n'exerce plus, même si elle demeure impliquée dans son domaine. Sa technique est soigneusement étudiée pour relayer l'effroyable, cultiver la peur et entretenir le suspense - une recette quasi scientifique qui lui a permis d'écrire et de publier un thriller par année depuis deux décennies.

Elle puise également de nombreuses histoires dans les médias, tirées de faits divers «terrifiants» qui l'ont marquée. «La peur est au summum lorsqu'on parle de quelqu'un qui est tenu captif par un fou», note-t-elle. Même si elle rêve encore à ses livres la nuit, ses premières enquêtes ne lui ont pas donné de cauchemars, hormis l'assassinat d'une petite fille de 5 ans, portée disparue et retrouvée quelques mois plus tard, dont elle a dû identifier le squelette dans le cadre de l'une de ses premières expertises.

En plus d'avoir récemment créé une série mettant en vedette une nouvelle héroïne, Sunday Night, Kathy Reichs n'est pas prête à laisser de côté Temperance Brennan et l'univers macabre des salles d'autopsie. Et nous promet, fidèle à son rythme effréné d'écriture, une nouvelle enquête avec son personnage fétiche très bientôt.

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Kathy Reichs sera de passage au Salon du livre de Montréal les 17 et 18 novembre pour des dédicaces.

Petite collection d'os. Kathy Reichs. Éditions Robert Laffont. 393 pages.

Extrait du livre : 

« Un crâne est apparu, me fixant de ses orbites vides et rondes, comme s'il était surpris par cette soudaine lumière. De longs cheveux étaient collés sur sa face comme des algues sombres.

Le cadavre était habillé. Sous les vêtements détrempés, je pouvais discerner des ligaments et des tissus mous verdâtres.

Pourtant cette vision n'était pas ce qui m'a glacée d'effroi.

Les jambes étaient légèrement fléchies, et les os, des tubes sous le jean sale.

Les jambes.

Deux jambes.

En aucun cas, il ne pouvait s'agir de monsieur Tibia Péroné. »

image fournie par Robert Laffont

Petite collection d'os