Au lendemain des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, à Paris, l'écrivain Yann Moix a commencé à noter dans son journal toutes les idées qui lui traversaient l'esprit. Des idées, dit-il, qu'il n'avait ni vues ni entendues ailleurs.

Le chroniqueur de l'émission On n'est pas couché s'est prêté à cet exercice durant deux ans. «Je pouvais être trois mois sans rien écrire, puis, soudain, écrire tous les jours durant une semaine.»

C'est plutôt rare qu'un littéraire - on ne parle pas ici d'un essayiste - écrive sur le terrorisme sans passer par la fiction. Qu'est-ce que la littérature peut apporter dans ce contexte que les politologues et autres spécialistes ne peuvent offrir?

«Les écrivains arrivent, avec des formules, à dire l'impossible, croit Yann Moix, joint au téléphone à Paris. L'impossible, contrairement à l'idée reçue, ce n'est pas quelque chose qui n'arrive pas, c'est quelque chose qui vient d'arriver. C'est une sorte d'incandescence du possible.»

«Parce qu'ils sont habitués d'inventer des choses impossibles, qu'ils côtoient tous les jours par leur imagination, le jour où ces choses impossibles se produisent dans la réalité, les écrivains arrivent à le dire.»

Terreur n'est donc pas une tentative de comprendre, mais plutôt une façon d'exorciser la peur en notant tout ce qui traverse l'esprit, une mise à distance des événements. «Les attentats dépassent l'imagination des gens, mais les écrivains ne se sentent pas nécessairement dépassés par ce qui arrive, observe l'écrivain. Le fait de côtoyer en permanence des choses inimaginables dans leurs romans fait que lorsqu'elles arrivent, on est moins dépaysés. En tout cas, c'est une hypothèse.»

La liberté de l'écrivain

Quand on lit Terreur, on a vraiment l'impression d'avoir accès au carnet de notes de Yann Moix. Il y a du bon et du mauvais dans ces 255 pages. Des lignes très fortes et d'autres qui tournent à vide. Et, oui, des idées qu'on n'a pas lues ailleurs, comme celle-ci: 

«Paradoxe (contradiction) du terrorisme: lorsque Merah exécute un enfant à bout touchant au nom d'Allah, il commet (de son point de vue) une bonne action; mais il sait que cette bonne action est d'abord une mauvaise action, sinon il ne la commettrait pas. Par conséquent, Merah reconnaît implicitement la supériorité des valeurs universelles sur celles propagées dans l'univers des djihadistes. L'acte terroriste, dès lors, est un aveu. Il autodétruit immédiatement (par cette contradiction) la version du monde qu'il entend imposer. Tout acte terroriste est implicitement fondé sur le fait qu'il a tort et qu'il le sait.»

Yann Moix dit s'être senti très libre en écrivant Terreur. «Les écrivains peuvent utiliser des expressions, des mots qui, sous la plume d'un journaliste, sembleraient déplacés, exagérés ou étranges mais qui, sous notre plume, paraissent parfaitement naturels.»

S'est-il autocensuré? «J'avais prévu l'attentat de Nice, affirme-t-il. Je ne savais pas dans quelle ville il se produirait, mais je l'avais prévu. Je l'ai enlevé du livre. Tout comme j'ai enlevé des passages entiers dans lesquels j'essaie de prévoir quelles seront les modalités d'un prochain attentat. Je les ai enlevés parce qu'on ne sait jamais. Je n'ai pas envie de donner des idées aux terroristes.»

La peur l'a animé tout au long du travail d'écriture. «En France, il est très chic de dire: "Ah, j'ai pas peur! Même pas peur..." Je n'ai jamais compris cela. Si ceux qui n'ont pas peur du terrorisme sont sincères, alors ils sont aveugles. Ils sont fous! S'il y a bien un moment pour avoir peur, c'est celui-là. S'il y a bien un moment pour ressentir ce sentiment humain qui s'appelle la peur, alors c'est bien durant les attentats. Il n'y a pas de honte, c'est naturel...»

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Terreur. Yann Moix. Grasset. 255 pages.

Crédit : Grasset.

Livre : Terreur.