En racontant l'histoire de son amie Song, grande brûlée qui a survécu par miracle à une explosion dans son appartement, Michèle Plomer livre une autofiction pleine d'émotion et de profondeur. L'auteure de HKPQ et de la trilogie Dragonville déploie dans Étincelle tout son talent de conteuse, en mettant en relief le combat de Song pour sa survie et la chape de plomb du gouvernement chinois. Et propose ici un des meilleurs livres de l'automne.

C'est lorsqu'elle enseignait l'anglais à l'Université de Shenzhen, il y a 10 ans, que Michèle Plomer a fait la rencontre de Song, elle aussi jeune professeure. Le soir où, quand elle a ouvert le gaz, son corps a été brûlé à 85 % par une explosion, Song cuisinait un repas qui avait été destiné à son amie, qui s'était désistée pour cause de désir amoureux. Michèle Plomer, hantée par la culpabilité, assistera à la longue convalescence de Song, aux côtés de son père, mais contre la volonté du Parti, qui refuse d'admettre sa responsabilité dans l'accident.

«J'ai mis 10 ans avant d'écrire ce livre, car j'avais besoin de prendre un peu de recul par rapport à cette histoire», nous raconte Michèle Plomer, qui parle de son livre avec une émotion encore contenue. 

«La pire littérature est la littérature qui sert de thérapie. Parce que c'est une histoire vraie, j'avais besoin de faire la paix avec mon sentiment de culpabilité et de trouver la voix qui était juste pour raconter cette histoire.»

À force de lui «défoncer la cage thoracique», Étincelle ne lui a plus donné le choix. Nourrie dans ses précédents romans par le côté positif de la Chine, qu'elle «adore et qui a été si bonne» pour elle, Michèle Plomer s'est sentie prête à lui jeter un regard critique. «C'est comme si un rhéostat avait diminué l'intensité du soleil», dit l'auteure qui a vécu à la dure, à travers cette histoire, «la vraie vie d'une vraie Chinoise».

«Quand on est blanc en Chine et qu'il ne se passe rien, on est un peu sous le radar. Mais quand est arrivé ce drame, je me suis positionnée en restant auprès de mon amie et de sa famille, et je suis devenue une ennemie du Parti, finalement. Je suis alors devenue une fille qui vivait en Chine pour de vrai, avec l'obligation de rester silencieuse, tranquille, polie.»

Pas question de faire pitié, cependant: «À tout moment», rappelle Michèle Plomer, elle aurait pu s'acheter un billet d'avion et quitter le pays. «Je ne veux pas être incendiaire de ce côté, mais il y a des gens autour de Song, des employés de l'hôpital entre autres, qui ont pris de vrais risques. Cette fille, par son courage, a mobilisé ce qu'il y avait de meilleur en tout le monde.»

Autofiction

Malgré cette trame de fond, Étincelle n'est pas un livre politique. Il est traversé par une foule de thèmes - la douleur physique, le destin, la famille, l'amitié - et Michèle Plomer s'y est mise en scène avec beaucoup d'abandon, même dans ses moins bons coups, comme son histoire d'amour qui s'effrite.

«Si je mettais tout dans le paquet, il fallait ça aussi. C'était un relief nécessaire. L'histoire est véridique, mais un livre, c'est aussi une construction et cet aspect fait partie de son squelette», dit Michèle Plomer, qui aime bien l'autofiction quand elle nous apprend un peu à vivre.

«Marguerite Duras, Colette, elles nous ont raconté ce que c'était qu'être une femme. Même chose au Québec avec Marie-Sissi Labrèche et Nelly Arcan. Je ne veux pas me comparer à elles, j'ai tellement de respect pour leur oeuvre, pour ces écrivaines. Quand ce genre est travaillé avec délicatesse et respect, il est est fort intéressant.»

Michèle Plomer est toujours en contact avec Song - «On skype et on s'aime», dit-elle. La jeune femme vit une vie «normale», même si sa condition de grande brûlée ne lui laisse aucun répit. Est-ce que l'auteure a bouclé la boucle de la Chine comme sujet d'inspiration? «On dirait que je ne veux jamais mettre un point, dit Michèle Plomer, qui est aussi attirée par d'autres territoires, comme le Grand Nord qu'elle a visité. Des anecdotes, des histoires sur la Chine, j'en ai pour toute une vie. J'ai l'impression que j'ai encore seulement touché la pointe de l'iceberg.»

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Étincelle. Michèle Plomer. Marchand de feuilles, 306 pages.

Image fournie par Marchand de feuilles

Étincelle, de Michèle Plomer