La poète Denise Boucher publie Boîte d'images, un imposant recueil porté par l'amour. Comme carburant et comme cible. La fée a toujours soif.

Ses yeux disent amour. Sa belle voix aussi quand elle fredonne une chanson qui lui vient, comme ça, en pleine entrevue. Sans fausse note. Denise Boucher est une grande amoureuse.

«C'est le fond de nos vies, dit-elle. On a toujours envie d'être aimé et d'aimer. Quand on est adolescent, on veut quitter la maison et on veut rester, on aime alors les chansons tristes et désespérées. On fait des vagues, on s'en va, on revient, on reste, on repart, on fait des choses, on rencontre d'autres gens, mais le fond, c'est toujours l'amour.»

Son recueil parle d'amour sous toutes ses formes. C'est celui d'une battante lumineuse qui affiche souvent un sourire en coin. La poète n'a rien d'une désespérée. 

«Je n'ai pas le culte de la désespérance. La continuité du désespoir, ça m'énerve. J'ai trop été abusée par les désespérés. Ce sont des vampires.»

«On fait un choix quand on écrit. On peut faire le choix de la désespérance, que la vie, c'est de la merde. C'est vrai, mais ce n'est pas que ça. Tant qu'à vivre, autant aimer ça.»

Sa vie

Boîte d'images raconte une histoire de toute une vie, la sienne. Avec des clins d'oeil à des poètes qu'elle aime, Gaston Miron, Marina Tsvetaïeva et Anne Hébert, notamment.

«Anne Hébert, c'est la poète la plus violente. C'est une poète extraordinaire. Elle écrivait souvent en faisant référence au folklore, mais aussi à la sexualité. En poésie, c'est comme s'il y avait un plafond de verre qui devait rester et qui fait en sorte qu'on n'entre pas dans la vraie lecture du poème.»

Elle y entre constamment en entrevue, citant de mémoire des vers entiers. 

«Un poème, c'est une chose qui est donnée si tu t'y abandonnes. Ça ressemble à l'amour. Tu ne peux connaître l'amour que si tu t'y abandonnes. Il y a l'appel des mots, des rythmes et une histoire qui commence. Quelque chose se passe et c'est fantastique. Parfois, on est surpris par la matière comme le peintre avec les couleurs, les formes.»

«La poésie est une forme de psychanalyse sauvage. On y est toujours surpris de ce que le langage révèle sur nous-mêmes.»

Poète est donc le mot qui la révèle le mieux. Boîte d'images contient des extraits de recueils précédents, de nouveaux poèmes et des inédits. Poète, aussi, parce que le mot lui permet de sortir d'étiquettes nombreuses à son égard: la «féministe qui a écrit Les fées ont soif», la pièce qui a marqué sa vie au fer rouge.

«Cela a été un cadeau des dieux aussi. J'ai été invitée partout et j'ai commencé à voyager. C'est mon conte de fées à moi.» 

Elle en garde de beaux souvenirs méconnus, comme cette alliance secrète avec un membre du clergé ou cette victoire en Cour d'appel contre la censure. 

«La juge a posé une question à la procureure de la Couronne: "Qui représentez-vous?" Celle-ci a répondu: "Jésus et la Vierge Marie." La juge: "Est-ce que vous avez un mandat écrit?" L'avocate a dit non et la juge a rejeté la cause. Ils sont allés en Cour suprême, mais on a gagné.» 

Lynchage

Certes, il lui arrive encore de s'emporter contre une société qui peut être désespérante. 

«L'affaire Claude Jutra me fait énormément de peine. On l'a jugé en 24 heures. On a remplacé son nom par des noms de femmes. Ils veulent qu'on ne se plaigne pas. Eh bien, je me plains. On a jugé un homme sans preuve et sans procès. Je trouve déplorable que la ministre de la Culture et le maire d'une ville aient participé au lynchage. Ça me fait peur, ce genre de société. On a un système de justice pour que l'on ne cède pas au lynchage.» 

«Le danger du dogmatisme, le danger du "tolérance zéro", c'est le fanatisme, poursuit-elle. Il s'agit d'une morale fanatique. C'est effrayant. Les gens qui condamnent immédiatement, c'est épouvantable. Peut-on être libres enfin?» 

Denise Boucher l'est. Plus que jamais sans doute. Après un premier roman, Au beau milieu, la fin, elle en prépare un deuxième. Elle était en juillet au Festival des voix de la Méditerranée de Sète, que dirige Maïthé Vallès-Bled à qui Boîte d'images est dédié. 

«J'ai fait plusieurs festivals, mais Sète est le plus beau du monde. Il y a 70 poètes et on lit partout. Dans les jardins, les cloîtres, les maisons de particuliers, les parvis d'église, les bateaux à voile. Et les gens viennent. C'est une expérience sans nom.» 

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Boîte d'images. Denise Boucher. Hexagone. 160 pages.

Photo fournie par l’Hexagone

Boîte d’images, de Denise Boucher