Une terre légèrement reculée, ravagée par la violente explosion d'une usine nucléaire. Un continent contrôlé par les Chinois, où les prisonniers politiques se multiplient. Des gens qui s'exilent en territoire radioactif, condamné par l'État, pour fuir le banc des accusés. Dans La péninsule, Louis-Bernard Robitaille raconte les dessous d'une Europe apocalyptique, trame à laquelle se rattache une touchante histoire d'amour. Entrevue.

Il est minuit moins une. Jimmy Durante, écrivain sans succès qui travaille pour le ministère de la Sécurité, reçoit l'appel d'un proche collaborateur. Il sera arrêté puis accusé en lien avec une mystérieuse affaire dans laquelle on le soupçonne d'être impliqué. Peu de chances de sortir libre d'un éventuel procès. Seule solution: s'exiler dans la péninsule, où s'échappent illégalement ceux qui veulent contourner la «justice».

Dans son nouveau roman, Louis-Bernard Robitaille - qui a été pendant près de 40 ans correspondant pour La Presse à Paris - nous plonge au coeur d'une Europe contrôlée par la Chine, un pays devenu si puissant économiquement qu'il dicte ses quatre volontés.

Mais d'où lui vient cette inspiration qui l'a mené à imaginer un empire du Milieu si puissant et autoritaire? «C'est une évidence. Il y a un rapport qui vient d'être publié par un think tank qui démontre que le pays sera la puissance économique dominante en 2030. On le voit, ils rachètent des pans de l'économie partout. Bientôt, ils seront champions de pétanque aux Jeux olympiques», répond à la blague l'auteur québécois, qui vit depuis longtemps en France.

«Mais bon, enfin, je ne veux pas être accusé de sinophobie. Je travaille un peu comme Steven Spielberg, qui a déjà dit qu'il aimait se raconter des histoires d'horreur pour se faire peur, mais aussi pour se dire ouf, on n'est pas encore rendu là», poursuit-il.

Histoire d'amour et radiations

Une fois arrivé dans la péninsule, son personnage principal, Durante, rencontre une mystérieuse violoncelliste, Valentina Ordjonikidze. Les deux vivent une histoire d'amour à l'Hôtel des Mouettes, un vieux bâtiment qui a survécu à l'explosion d'une usine nucléaire. Mais une fois rendus sur ce territoire, les réfugiés n'y survivent que quelques années, lentement tués par les radiations qui émanent toujours de la terre.

«C'est au départ un documentaire sur la ville de Tchernobyl qui m'a inspiré l'histoire du roman. On y montrait à la télévision une végétation luxuriante, où tous les animaux étaient revenus et se reproduisaient normalement. Mais ils étaient totalement radioactifs.»

Quand il a présenté un extrait du roman à son éditrice, en juin dernier, elle lui a lancé un défi de taille. Pourquoi ne pas finir d'écrire le roman d'ici septembre, question de le publier à l'hiver 2015?

«À l'époque où j'étais journaliste, je pouvais prendre de trois à quatre ans pour écrire un livre. Mais quand on m'a proposé d'écrire le bouquin en quelques mois, je me suis dit: pourquoi pas! Je n'essaie pas de battre des records de rapidité, mais je me suis laissé raconter l'histoire en l'écrivant», nous explique l'auteur.

«La péninsule, c'est une romance au temps de l'apocalypse. Ce n'est pas qu'un roman d'anticipation, c'est aussi une histoire d'amour. C'est l'éloge de la musique et de la culture, mais aussi l'idée que mieux vaut vivre intensément pendant trois ans que longtemps dans des conditions de surveillance désagréables», résume Robitaille.

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Louis-Bernard Robitaille, La péninsule, Notabilia, 224 pages.