Elle a quelque chose de poétique, une timidité délicate, une simplicité, un naturel plus désarmé que désarmant. Elle ressemble aux personnages des nouvelles de Mégot mégot petite mitaine: fragiles chercheurs d'art, faiseurs d'histoires habités par le doute et l'espoir. Inconnue au bataillon il y a un an, Johanne Alice Côté a publié trois livres en à peine un an, comme s'il y avait péril en la demeure. Elle avait la quarantaine bien entamée. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de se consacrer à l'écriture? «Au fond, j'ai toujours écrit. J'ai toujours cherché ma forme sans le savoir.»

Elle a tenté de la trouver en tenant des journaux intimes pendant des années. En se donnant à fond au théâtre, à la chanson, au conte. «Quand j'habitais dans la Beauce, raconte cette femme née dans le New Hampshire de parents exilés là pour le travail, j'ai créé des petites compagnies de théâtre. J'écrivais les textes, je jouais, je faisais la mise en scène, l'administration, la gestion.» Puis après le théâtre, il y eut la chanson. Paroles, musique, interprétation. L'école de la chanson. Les festivals. Et des contes pour son conjoint, conteur de son métier.

 

Un jour, lasse de chercher, Johanne Alice Côté est retournée sur les bancs de l'école. Quand elle en est ressortie quelques années plus tard, ce n'est pas seulement un bac en littérature et un certificat en création littéraire qu'elle rapportait chez elle. Elle avait acquis la certitude d'être exactement là où il lui fallait être. Elle serait écrivaine. Point final.

Trois livres en un an

Après un premier roman passé quasi inaperçu, L'Incisure catacrote (éditions Michel Brûlé, 2007), Johanne Alice Côté publiait, presque coup sur coup, deux livres dont nous vous vantions récemment, dans ces pages, les qualités exceptionnelles. Un recueil de poésie, Mouvement d'Indienne (éditions Michel Brûlé), et ces nouvelles, Mégot mégot petite mitaine (Triptyque), qui révélaient une écriture maîtrisée, personnelle, faussement naïve, des textes pleins de petits détails chatoyants. Elle avait trouvé, dans la forme brève, le vase qui recueillerait ses trésors.

Aujourd'hui, Johanne Alice Côté continue de chercher dans la vie qui l'entoure matière à nouvelles. «J'aime partir d'une situation plutôt que d'un personnage ou d'une histoire. Je raconte un moment, un paradoxe, une surprise, un éclair de lucidité. Et surtout, j'essaie d'être authentique. De contourner la langue de bois, de creuser et de tenter de voir non pas un seul point de vue mais plusieurs. De reconnaître l'impermanence de tout ce qu'on est et de tout ce qu'on produit, mais aussi tous nos efforts pour communiquer, pour ne pas trop être malheureux, pour être bien les uns avec les autres.»

Son «vrai début»

Inspirée par l'amérindianité depuis qu'elle s'est découvert une arrière-grand-mère abénakis, nourrie et soutenue par les mots de Flannery O'Connor et d'Annie Saumont, mais aussi de Marie Redonnet, Hubert Mingarelli, Marie Darrieussecq, Annie Dillard... Johanne Alice Côté croit, à 48 ans, qu'elle fait aujourd'hui «son vrai début. C'est ici que je commence, affirme-t-elle. Je vais certainement publier un autre recueil de nouvelles. Ensuite, peut-être que je m'attellerai à un texte plus long». Une chose est sûre, elle ne doutera plus de sa vocation.

Mégot mégot petite mitaine

Johanne Alice Côté

Triptyque, 129 pages, 18$

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