Machine à écrire des best-sellers, James Patterson, ancien publicitaire devenu auteur de polars, a publié quelque 150 titres au cours des 20 dernières années. Intrigue efficace, chapitres courts, rebondissements punchés, ses romans tapissent les murs des librairies dans les gares et les aéroports. Bill Clinton n'a pas besoin de présentation. Le simple fait qu'un ancien président des États-Unis participe à l'écriture d'un roman crée l'événement. La Presse a lu la traduction française de The President Is Missing en avant-première. Verdict : un thriller prenant, mais inégal.

Bien sûr, l'intérêt suscité par la parution de ce roman est attribuable à la présence de Bill Clinton. Sans lui, on ne ferait pas un plat du nouveau Patterson, qui, avec l'aide d'une équipe de rédacteurs, publie plusieurs livres par année (15 titres prévus pour 2018 seulement !). Or, jusqu'ici, l'intense promotion préparée par les maisons d'édition (lancement mondial, tournée médiatique, etc.)  ne se déroule pas tout à fait comme prévu. 

En entrevue au réseau NBC, Bill Clinton a fait une déclaration qui a suscité la polémique. Questionné pour savoir s'il avait déjà présenté des excuses personnelles à Monica Lewinsky, l'ancien président des États-Unis a dit qu'il avait fait des excuses publiques à l'ex-stagiaire de la Maison-Blanche et qu'à son avis, c'était suffisant. Précisant qu'il saluait le mouvement #metoo, même s'il n'était pas d'accord avec tous ses aspects, il a ajouté qu'il était satisfait de la manière dont il avait géré la crise entourant sa relation avec la jeune femme, qui n'avait que 22 ans à l'époque.

ET PUIS, CE ROMAN ? 

Parlons du roman, maintenant. Le président Jonathan Lincoln Duncan est veuf. Sa femme, brillante juriste, est morte d'un cancer, il y a un an. Sa fille de 23 ans, Lilly, étudie à l'étranger. Avant d'être président, il a été gouverneur. Dès les premières pages, c'est plus fort que nous, nous cherchons les ressemblances entre le narrateur et Bill Clinton. Comme lui, Duncan a été élevé par sa mère, qui a eu une grande influence dans sa vie. Autre ressemblance : le président doit témoigner devant le Congrès dans le cadre d'une procédure de destitution. Son équipe s'y oppose, mais le président insiste : il n'a rien à se reprocher (c'est d'ailleurs un des problèmes du livre : ce président est trop parfait).

Sa comparution est prévue en début de semaine, mais entre-temps, il apprend que les États-Unis sont menacés. Samedi, un virus attaquera probablement tous les serveurs informatiques névralgiques et mettra le pays à genoux. Entouré d'une équipe de proches collaborateurs et de geeks, le président, transformé en quasi-superhéros, devra trouver une solution, sinon c'est l'équilibre du monde qui est menacé.

Le huis clos se déroule à quelques kilomètres de la Maison-Blanche, en Virginie, sur une période de trois jours. Comme dans tout bon thriller, il y aura bien sûr des tueurs à gages, des terroristes, des attentats et une grosse surprise à la fin (un revirement que l'auteure de ces lignes a toutefois deviné).

BILL NOUS FAIT LA LEÇON

On lit Le président a disparu en espérant apprendre des informations inédites, voire confidentielles. Mais en apprend-on tant que ça ? Pas vraiment. Oui, on entre dans la tête d'un président qui se questionne, qui a des doutes, qui réfléchit avant de prendre une décision. Comme lorsqu'il doit envoyer des tireurs pour neutraliser des terroristes, mais qu'il hésite à cause de la présence d'enfants (on pense bien sûr à l'assassinat d'Oussama ben Laden). Bill Clinton nous fait également entrer dans le bureau Ovale, dans le « war room », dans l'hélicoptère Marine One ou dans un couloir secret qui relie la Maison-Blanche à l'édifice du Trésor. Il partage en outre quelques commentaires personnels. À propos de son homologue allemand, par exemple, il écrit : « C'est toujours une bonne idée de flatter l'ego d'un chancelier allemand, un pilier de l'UE et, objectivement, son membre le plus influent. »

Mais dans l'ensemble, on n'apprend rien que House of Cards ou The West Wing ne nous ait déjà révélé. 

En fait, non seulement on n'apprend rien de croustillant, mais on distingue rapidement les pages qui portent la touche Clinton de celles écrites par Patterson (ou son équipe).

Les réflexions du président Duncan sont tellement didactiques et vertueuses qu'à la fin, ça devient agaçant. Par exemple, lorsque le président croise un vétéran qui mendie dans la rue, il nous rappelle tout ce qu'il a fait pour les anciens combattants en plus d'écrire : « Je suis conscient que ma capacité à aider les gens est à la fois immense et limitée et j'ai appris à vivre avec ce paradoxe. Car vouloir à tout prix repousser les limites vous empêche d'avancer. »

De la même façon, l'ancien président ne peut s'empêcher de semoncer les médias : « Que reste-t-il du journalisme factuel et objectif, si difficile à définir de nos jours, écrit-il, alors que la frontière entre fiction et réalité, entre mensonge et vérité, est de plus en plus floue ? »

Bref, à force de vouloir passer ses messages, on dirait bien que c'est Bill Clinton qui confond fiction et réalité.

Tout ça fait en sorte qu'il y a une rupture de ton dans Le président a disparu. D'un côté, le cours de politique 101 que M. Clinton veut nous donner et de l'autre, le thriller écrit par un pro du genre. Car bien que l'intrigue demeure très conventionnelle, elle est efficace, assez pour qu'on ne lâche pas le livre jusqu'à la fin.

Bill Clinton peut donc retourner à la politique, James Patterson n'a pas besoin de lui pour pondre un best-seller. Mais on risque néanmoins de beaucoup voir celui-ci sur les plages cet été.

** 1/2

Le président a disparu, Bill Clinton et James Patterson, JC Lattès, 491 pages