Il n'est pas nécessaire d'avoir lu Au revoir là-haut pour apprécier Couleurs de l'incendie, même s'ils sont officiellement les deux premiers volets d'une trilogie. Bien sûr, avoir goûté à l'humour, à l'intelligence et à l'écriture entraînante du premier fait de la lecture du deuxième une expérience plus jouissive. Mais en auteur futé qu'il est, Pierre Lemaitre y explique juste assez de choses dès le départ pour mettre les lecteurs en contexte et, surtout, il démarre son histoire en trombe, ne relâchant le pied de l'accélérateur qu'au bout de ces 535 pages trépidantes où on ne s'ennuie pas une seconde.

Sept ans séparent la fin d'Au revoir là-haut et le début de Couleurs de l'incendie, qui se déroule à la fin des années 20, puis pendant les années 30. La scène initiale a lieu le jour des funérailles du banquier Marcel Péricourt, auxquelles assiste même le président de la République. Pendant la cérémonie, son petit-fils Paul commettra un geste dramatique qui marquera le début d'un long calvaire pour sa mère Madeleine Péricourt, pratiquement le seul personnage rescapé du premier roman et qui devient ici le pivot de l'histoire.

Difficile de parler de ce livre rempli de surprises, de suspens et de fausses pistes dont il ne faut divulguer aucun élément. Disons cependant, sans risquer de gâcher le plaisir des lecteurs, que Couleurs de l'incendie, à l'image du Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas, est l'histoire d'une machination, d'une chute et de la vengeance qui suivra. Avec en toile de fond la montée d'Hitler, ce roman foisonnant est peuplé par des journalistes véreux, un député opportuniste, un technocrate ambitieux, un homme de main idiot, une chanteuse d'opéra obèse, un enfant handicapé, et on en passe. Magouilles, tromperie, chantage et ambition sont derrière chaque retournement de situation, mais se profilent aussi dans ce roman de l'amour, de la tendresse et de la complicité.

Quatre ans après Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre semble maîtriser encore davantage son art. Avec sa plume toujours alerte, il manie un narrateur pas du tout objectif, complice et ironique, et se promène d'un personnage à l'autre tout en ménageant ses effets. Rocambolesque, franchement drôle, rythmé et efficace, Couleurs de l'incendie est de la littérature populaire de grande qualité, intelligente autant que divertissante. Un alliage parfait, qui rendra très certainement votre hiver plus agréable.

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Couleurs de l'incendie. Pierre Lemaitre. Albin Michel. 535 pages.