Repousser, encore et toujours, les frontières vers le soleil couchant. Voilà l'illustration la plus connue pour raconter l'histoire de la conquête de l'Ouest. Du moins, du temps des cowboys.

Ernest Dufault, alias Will James, en était un, cowboy. Et il a aussi, à sa façon, repoussé les frontières. Celles de l'imposture, du mensonge, du changement d'identité.

Parce que Dufault, un enfant de Saint-Nazaire-d'Acton au Québec, a, à 15 ans, sauté dans un train vers l'Ouest pour ne jamais vraiment en revenir. Au point de se rebaptiser Will James, auteur à succès qui, jusqu'à la fin de sa vie, bernera femme, proches et fidèles lecteurs sur ses véritables origines.

En lui consacrant un roman circonscrit à deux années de sa vie, soit avant, pendant et après les 15 mois où il a fait de la prison, l'auteur Olivier Dufault, un arrière-arrière-arrière-cousin de James, décrit avec grâce et intelligence ce moment où tout a basculé. Celui où James, à sa sortie de prison pour vol de bétail, aurait pu choisir de redevenir un Canadien français errant, mais où il a plutôt choisi de continuer à vivre son rêve américain dans le mensonge.

Pourquoi avoir pris cette route? Nul ne le saura jamais. À travers le récit de M. Dufaut, on a néanmoins l'impression que Will James a trouvé dans l'Ouest américain un équilibre de vie où ses côtés nomade, aventureux et artiste ont trouvé une façon de cohabiter. Ce que ne lui offrait pas, du moins le croyait-il, la vie au Québec.

Dans les pas de son lointain parent

Roman, donc, il y a. Mais avec une assise biographique (donc, réelle) importante. M. Dufault s'est rendu deux fois aux États-Unis pour mettre ses pas dans ceux de son lointain parent afin de se gorger de paysages, de sons, d'odeurs liés à la vie du Far West.

Puis il est passé par l'Université de Reno, où il a fouillé dans les archives de Will James. Il en a extirpé quelques documents clés autour desquels il a construit son intrigue.

Le travail est minutieux. La recherche de détails est consciencieuse. L'écriture, on le sent, est lente, auscultée, raffinée. En fin de compte, cela donne un roman dense, riche, étonnant dans sa puissance d'évocation de scènes remontant à un bon siècle. 

Un roman piquant comme un éperon, incandescent comme le soleil du désert, euphorisant comme une rasade de whisky, exubérant et tapageur comme un saloon.

Spontanément, la vie des hommes de l'Ouest n'est pas associée à l'art, sauf peut-être via quelques notes d'harmonica. Or, ici, elle l'est doublement, à travers la bromance vécue entre James (dessinateur et auteur) et le compositeur Curley Fletcher. Ces deux-là sont, avant l'heure, deux beatniks des grands espaces.

Prometteur 

Notre seul motif d'agacement tient dans certains passages où l'auteur s'accroche les pieds. Quinze pages pour raconter le dressage d'un cheval récalcitrant raconté du point de vue... de la bête! Vraiment? On a envie de ruer. Mais, bon, Olivier Dufault retrouve vite son souffle.

Bénédiction est un premier roman annonçant de bien belles choses. On a hâte de voir comment Dufault s'en sortira en s'aventurant hors des sentiers familiaux.

* * * 1/2

Bénédiction. Olivier Dufault. Éditions Marchand de feuilles. 452 pages.