Bien que qualifié de roman, Souvenirs de la marée basse de Chantal Thomas, prix Femina 2002 pour Les adieux à la reine, pourrait se ranger dans la liste des beaux essais de l'auteure, comme Chemins de sableCafés de la mémoire ou Comment supporter sa liberté.

Ici, le chemin vers la mer passe par la mère, Jackie, nageuse accomplie, plutôt indifférente à son rôle maternel, mais qui aurait transmis à la narratrice «l'essentiel»: «L'énergie d'un sillage qui s'inscrit dans l'instant, la beauté d'un chemin d'oubli».

Par petites touches, Chantal Thomas décrit son royaume au bord de l'eau à Arcachon, où Jackie est souveraine, mais sa fille aussi, peinée pour les enfants qui n'ont que quelques semaines de vacances dans ce paradis dont elle profite à l'année. Et savoir nager est en quelque sorte savoir être libre, comme lorsque la jeune Jackie a osé plonger dans le Grand Canal du château de Versailles devant des visiteurs ahuris.

Alors que la mère perd la mémoire, la fille se souvient du charme de ces journées sans fin et de la majesté du crawl de Jackie, ce «merveilleux ramper» inaccessible aux femmes au début du XXsiècle, puisqu'il fallait se dévêtir.

«Pareille conquête se joue à l'échelle des siècles. Elle est loin d'être achevée.» Chantal Thomas poursuit cette conquête par l'écriture et, bien sûr, la nage. Dans les deux cas, elle y est comme un poisson dans l'eau...

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Souvenirs de la marée basse. Chantal Thomas. Seuil. 213 pages.