Fraîchement couronné par le prix Goncourt, ce deuxième roman de Leïla Slimani est impressionnant par sa construction implacable et par sa capacité à parler autant de l'intimité que de clivage social.

Chanson douce raconte comment une nounou parfaite en est venue à assassiner les deux enfants dont elle s'occupait. Gardant toujours ses distances, l'auteure, qui met cartes sur table dès le début - on sait dès la première page que les enfants sont morts et que c'est leur gardienne la coupable - ne fait ici aucune psychologie.

Elle y décrit, cliniquement, la manière dont Louise devient un rouage essentiel dans la vie du jeune couple qui l'a engagée, et comment sa propre vie est un désert de solitude.

Narré au présent, c'est comme si on était dans l'appartement à observer la lente glissade de Louise vers la psychose, ou au parc à découvrir la vie des autres gardiennes.

Mais cette petite femme aux allures de poupée restera un mystère pour tous - si le livre était porté au cinéma, on imaginerait Isabelle Huppert l'incarner, dévouée mais froide à glacer le sang.

Chanson douce est un livre efficace, écrit au scalpel, par une jeune auteure qui représente une nouvelle mouvance d'écrivaines françaises complètement ancrées dans la réalité d'aujourd'hui. Un prix mérité. 

* * * 1/2

Chanson douce. Leïla Slimani. Gallimard. 227 pages.