Les journalistes Bastian Obermayer et Frederik Obermaier sont spécialisés en journalisme d'enquête. Un jour, en vacances chez ses parents, Bastian reçoit un courriel anonyme lui proposant des informations sensibles et hautement confidentielles. En journalisme, c'est l'équivalent de brandir un os devant un chien.

Après les vérifications d'usage, la mystérieuse source envoie aux journalistes une montagne de données cryptées qui ont toutes un point commun: la firme d'avocats Mossack Fonseca, dont le siège social se trouve au Panamá. Les révélations sont croustillantes, voire fracassantes. Des centaines d'individus - anciens pilotes de F1, politiciens, milliardaires, etc. - ont eu recours aux services de la firme pour créer des sociétés offshore et cacher leur argent dans des abris fiscaux.

Au total, 11,5 millions de documents sont livrés au Consortium international des journalistes d'investigation qui s'attaquera à une tâche titanesque. L'enquête et l'analyse des données impliquent environ 109 salles de rédaction dans 76 pays.

Le secret le mieux gardé du monde nous explique les dessous de cette enquête historique ainsi que ses principales révélations jusqu'ici.

Vous connaissez peut-être les grandes lignes des Panama Papers - les médias participant à l'enquête ont dévoilé les premières informations le 3 avril 2016 -, mais si l'affaire vous intéresse, le livre renferme une mine de détails. 

Les journalistes nous dévoilent leur méthode de travail, leur questionnement et, surtout, ils mettent en contexte l'importance de chaque information en établissant des liens ou en expliquant le contexte socio-économique du pays ou des acteurs impliqués.

Parmi les histoires-chocs du livre, celle d'Andrew M., marié, père de trois enfants, qui sera condamné à huit ans de prison en 2009 pour avoir violé des enfants russes. Client de la firme Mossack Fonseca, qui est au courant de son dossier judiciaire, cet homme est à la tête d'un réseau de prostitution juvénile et sa société finance des organisations criminelles.

Autre histoire qui a eu un impact considérable lorsqu'elle a été publiée dans les médias: celle du premier ministre islandais qui avait fondé une société-écran avec sa femme, en 2007. Dans un pays qui tente de se remettre d'une crise économique sans précédent, la nouvelle a eu l'effet d'une bombe et le premier ministre a dû démissionner.

En entrevue au magazine Télérama pour la sortie du livre en France, les auteurs ont déclaré: «Dans notre pays, les Panama Papers ont eu un impact énorme. La presse en a parlé pendant des semaines, nous avons été sollicités par des shows télévisés, etc. Même si nos données n'ont pas révélé de scandales nationaux, nos politiciens veulent changer la loi. Désormais, chaque citoyen devra dire s'il détient ou non une société offshore et sera obligé de justifier l'origine des fonds. La loi est encore en discussion, mais le principe est quasiment décidé.»

Malgré certains détails plus ardus pour le néophyte, le livre se lit comme un roman. Les explications sont claires, le rythme est enlevant. À la toute fin, on peut en outre prendre connaissance du manifeste du lanceur d'alerte, une lettre claire et limpide dans laquelle l'individu appelle à des lois beaucoup plus sévères et à un meilleur contrôle de l'impôt des entreprises. S'agit-il de l'informaticien du cabinet Mossack Fonseca arrêté à Genève le mois dernier et accusé de soustraction de données, d'accès indu à un système informatique et d'abus de confiance? On ne le sait pas encore... En attendant, ce livre fera le bonheur des passionnés de journalisme d'enquête.

* * * 1/2



Le secret le mieux gardé du monde - Le roman vrai des Panama Papers. Bastian Obermayer et Frederik Obermaier. Seuil, 419 pages.