Il y a certains métiers qui nous attirent vers leurs coulisses. Les avocats, par exemple: quels secrets cachent-ils? La réponse se trouve dans Coupables de l'Allemand Ferdinand von Schirach.

Von Schirach est auteur de nouvelles, mais surtout avocat de la défense au Barreau de Berlin. Il s'est servi de ses expériences pour écrire Crimes, publié l'année passée. C'est un peu le contraire de Scott Turow, William Deverell et autres avocats devenus romanciers à succès qui mettent leur maîtrise du système juridique au service des intrigues complexes. Von Schirach, lui, manie le scalpel. Il nous donne quinze nouvelles dont plusieurs sont l'affaire de quelques minutes de lecture.

On commence avec la perte de l'innocence. Un jeune avocat doit assurer la défense d'un groupe d'hommes ordinaires exerçant des métiers ordinaires et qui jouent dans une fanfare aux fêtes villageoises. Leur seul petit défaut, partagé par plus ou moins tout le village: ils prennent un coup. Derrière la scène, où ils se reposaient entre deux prestations, la belle jeune serveuse vient apporter des bières - puis soudainement, c'est la sauvagerie. Devant leur crime, ils opposent un silence de tombeau et les ambulanciers ont effacé toutes les preuves. Ils sont coupables, mais faute de preuves solides, la justice les acquitte. Et le jeune avocat, au lieu de crier victoire, rentre avec un sale goût à la bouche.

C'est le thème du livre, et le titre le dit assez clairement. L'avocat qui raconte ses victoires en cour sait pertinemment qu'il est en train de défendre des salauds. Mais von Schirach est trop fin pour mettre en scène des situations trop faciles comme dans la première nouvelle. Souvent, les questionnements moraux sont complexes. Grâce aux tests d'ADN, deux jeunes d'apparence normale qui autrefois étaient des sans-abri sont accusés d'un meurtre. Qui juge-t-on? Les jeunes désoeuvrés qui ont agi dans la panique il y a des années ou le couple exemplaire d'aujourd'hui?

Inconscience ou égarement

Souvent, dans le monde de von Schirach, les accusés - les coupables, en fait - se sont mis en mauvaise posture par inconscience ou égarement. Un homme est tout à fait d'accord pour partager sa femme avec un autre jusqu'au moment où il ne supporte plus sa propre complaisance. Tous sont coupables, victime et agresseur. Dans un internat huppé, un garçon rejeté par ses camarades devient le chouchou de sa prof d'art. La dame nourrit des espoirs inavouables, suit le garçon et se fait témoin d'un jeu de cruauté extrême entre adolescents. Elle finira par payer son indiscrétion.

Convaincant, compétent, rassurant et complètement pourri, l'avocat de la défense nous guide à travers cette jungle pour mieux nous y laisser. Dans un recueil, toutes les nouvelles ne sont pas égales. La clef, celle qui est nettement plus élaborée, mais qui tombe à plat, met en scène des gangsters dont la bêtise défie toute compréhension. Mais les lecteurs qui se délectent de culpabilité trouveront leur compte ici.

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Coupables. Ferdinand von Schirach, traduit par Pierre Malherbet. Gallimard, 187 pages.