Romancière, psychothérapeute, pianiste: la Néerlandaise Anna Enquist (Le retour, Le secret) a connu plusieurs vies et les réunit souvent sous une même couverture. En résultent des livres très analytiques et portés par la musique, dominés par le deuil et l'errance psychologique.

Elle pousse la démarche très loin avec Contrepoint, son plus récent roman, qui met en scène une pianiste qui travaille les Variations Goldberg tout en vivant avec le souvenir de sa fille disparue. Imprégné de tristesse mais aussi de la beauté de l'oeuvre de Bach, Contrepoint fait se croiser les fragments d'une vie et les 30 variations du génie baroque dans un enchevêtrement de voix qui se répondent sans cesse. Le procédé peut finir par lasser, même si sa manière de s'approprier une interprétation des Variations et de comprendre les intentions de Bach en se documentant sur sa vie sont intéressantes et érudites. Mais l'émotion est malgré tout prenante, toujours en filigrane et jamais étalée. La relation entre les personnages, qui ne sont pas nommés - il y a la mère, la fille, le fils, le père - est toujours vue par le prisme de la femme, mère entière mais un peu névrosée, fascinée par la vie de sa fille qui s'épanouit devant ses yeux. On comprend d'autant plus sa douleur quand elle survient, sa difficulté à y survivre et la nécessité qu'elle a de se réconcilier avec ses souvenirs grâce à la musique.