Hermann est un embaumeur enfermé dans son monde imaginaire, fils de médecin qui cache son affection pour les humains derrière un «coussin». Hu, lui, est un pianiste sur le déclin qui a toujours réprimé son appétit pour les gens, mastodonte renié par un père qui n'en avait que pour le très petit.

Les chemins des deux hommes se croiseront plusieurs fois dans Attraction terrestre, très beau livre d'Hélène Vachon, prolifique auteure jeunesse qui en est à son deuxième roman «pour adultes» après La tête ailleurs, paru en 2002. Elle réussit le tour de force de marier harmonieusement humour noir et humanisme dans cette histoire toute en finesse et en douceur. Surtout, elle ne cache pas son empathie pour les solitaires et les vulnérables de ce monde, les amoureux silencieux et les trop gentils, ceux qui abandonnent avant même de faire une tentative pour atteindre leur but.

Hermann et Hu cherchent désespérément leur utilité sur Terre: à quoi sert un pianiste malade qui ne contrôle plus ses mains? Pourquoi s'occuper des morts, si on ne sait pas soigner les vivants? Pourtant, au contact l'un de l'autre, ils s'ouvriront, accepteront mieux leurs forces respectives et accepteront de baisser - un peu - leur garde.

Alors que le désarroi de Hu est vu de l'extérieur et qu'il n'en est que plus poignant, Attraction terrestre est raconté du point de vue d'Hermann, qui cache sa maladresse derrière une langue ampoulée et pleine de circonvolutions. Mais le roman est aussi truffé de dialogues vivants et légers comme des bulles. Ceux entre Hermann et sa voisine, Mme de Valois, qu'il accompagne au parc tous les jours pour sa séance de peinture, sont délicieusement surréalistes: alors qu'elle peint un tableau abstrait, ce dernier tente sans arrêt de trouver une signification à son travail. Sans grand succès. «À quoi sert un peintre qui refuse de reproduire?» demande-t-il.

Réflexion sur la maladie, la mort et la vieillesse - l'immeuble où vit Hermann est peuplé des personnes très âgées, plus ou moins sympathiques et toutes plus excentriques les unes que les autres -, Attraction terrestre n'est cependant jamais lourd. Pour preuve, une scène de résurrection parfaitement sympathique qui aura l'heur de réjouir le thanatopracteur. Mais il émeut aussi souvent, et la dernière rencontre entre Hermann et Hu est d'une grande délicatesse et d'une grande humanité, malgré le drame.

Seul bémol, il est difficile de savoir où se déroule Attraction terrestre: cette place publique, ce marchand de fruits, ce port bordé de cafés et de restaurants évoquent davantage une ville européenne que nord-américaine, mais cette absence de repères géographiques est un peu agaçante. Pas assez, cependant, pour gâcher le plaisir d'une lecture qui fait du bien.

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Attraction terrestre. Hélène Vachon. Alto, 352 pages.