En novembre dernier, 15 ans s'étaient déjà écoulés depuis que la chanteuse française Barbara avait «pris son vol pour regagner le ciel». Afin de marquer ce moment, sont notamment parues une magnifique intégrale (Une femme qui chante, en 19 CD), une reprise de 13 de ses chansons par la chanteuse Daphné (en spectacle aux FrancoFolies de Montréal, les 21 et 22 juin) et, il y a quelques semaines, une biographie de la «dame en noir», signée Alain Wodrascka. Qui signe là sa troisième biographie de Barbara depuis 2001!



C'est que Wodrascka, spécialiste en biographies d'artistes français, éprouve une passion particulière pour Barbara, qu'il a côtoyée pendant une dizaine d'années. Au fil du temps, il ne cesse d'engranger de nouvelles informations et de rencontrer d'autres témoins ayant gravité autour de cette étrange femme que fut Monique Andrée Serf, alias Barbara. Cet amour et cet intérêt jamais émoussés sont à la fois la force et le point faible de cette volumineuse biographie de 446 pages, suivies d'annexes qui font une autre centaine de pages, sans aucune photo.

La force? En compilant, interviewant et cherchant sans cesse, Wodrascka met véritablement en lumière la personnalité infiniment complexe de Barbara, à la fois «généreuse ou cruelle, flamboyante ou pathétique, inspirée ou à bout de souffle». On soulignera les chapitres consacrés à la vie de l'artiste à partir de 1970, très étoffés, appuyés par de nombreux témoignages, bien écrits et sans faux-fuyant: anorexie, tentatives de suicide, aphonie, rien n'est vraiment tu - non plus que l'importance et l'originalité profonde de Barbara dans le monde de la chanson.

Le point faible? Ce n'est pas tant la passion de Wodrascka, qui l'aveugle parfois, quoiqu'on aura intérêt à commencer la lecture à la page 23, tant l'avant-propos et le premier chapitre sont confus et personnels. C'est plus agaçant dans les chapitres portant de 1930 à 1969, où les données concrètes lui manquent: l'auteur prête alors des intentions ou se lance dans des interprétations (doublées parfois de psychologie à cinq sous) sur ce qui est peut-être arrivé, sans doute arrivé ou peut-être pas arrivé! Et il multiplie les ambiguïtés pour dire sans dire (Françoise Sagan, avec qui Barbara aurait peut-être entretenu une liaison, est ainsi uniquement identifiée par «l'auteure des Bleus à l'âme»). Est-ce pour cela que le livre est intitulé «Une vie romanesque» ? Il y a, en tout cas, nette rupture dans le traitement des quatre premières décennies de la vie de Barbara et les trois dernières.

N'empêche, cette nouvelle biographie est actuellement la somme la plus complète d'informations sur celle qui a écrit et chanté L'aigle noir, Le mal de vivre, Dis quand reviendras-tu? et autres indémodables de la chanson francophone, marquant à jamais des chanteurs comme Pierre Lapointe ou Camille. Ce sont eux, et les nombreux fans de la longue dame noire, qui trouveront leur compte dans ce livre parfois échevelé, souvent fort documenté.

______________________________________________________________________________

* * * 1/2

Barbara, une vie romanesque, Alain Wodrascka, Cherche-midi, collections Documents, 544 pages.

Extrait Barbara, une vie romanesque

«Ce pacte d'amour à mort scellé avec des milliers de visages anonymes (NDLR : il s'agit de la chanson Ma plus belle histoire d'amour), en proie comme elle au manque affectif et au vertige du mal de vivre, à qui elle offre son âme est unique dans l'histoire de la chanson mondiale. Et, en aucun cas, la diva ne pourra tolérer qu'on émette l'idée qu'il eût pu être destiné à un homme [...] de la rue de la Gaîté jusqu'à Tours, où son dernier concert sera donné, le 24 mars 1994, la chanteuse ne cessera de mêler ses larmes à celles de son public, en interprétant cette chanson qui en dit long sur l'intense complicité entre une chanteuse-prêtresse et ses fidèles.»