Vous aimez les cônes orange? Non, évidemment. Mais vous aimerez Ponto, le jeune cône idéaliste qui a quitté l'autoroute 30 de son enfance, en banlieue, pour poursuivre à Montréal sa vocation et protéger les humains contre les nids-de-poule, les affaissements de la chaussée et le Champlainosaure.

Bienvenue dans le monde de Tania Mignacca, graphiste et illustratrice de 32 ans qui a créé, il y a quatre ans, ce cône ambulant au grand coeur, héros d'une bande dessinée hebdomadaire qui illustre en filigrane l'amour de sa créatrice pour Saint-Henri, le Sud-Ouest et sa ville, Montréal.

Les péripéties de Ponto sont aussi une occasion de rire un peu des rapports qu'entretiennent les Montréalais avec les chantiers et les entraves à la circulation, qui sont en train de virer à l'obsession collective au même titre que la météo et le déneigement des rues en hiver.

À la découverte de Montréal

La bande dessinée raconte les aventures de Ponto, son intégration chez les cônes de Saint-Henri, sa détermination à obtenir un emploi, sa fierté à faire son devoir de cône orange, sa désillusion après 10 jours de garde dans un nid-de-poule que personne ne répare. Ponto découvre Montréal, le marché Atwater, le quartier Saint-Henri, le centre-ville, où on l'envoie en mission d'urgence en raison d'un effondrement de chaussée sur la rue Sainte-Catherine.

Il emprunte la ligne orange pour visiter l'Orange Julep, il sauve Montréal d'une terrible crise du Champlainosaure, un grand pont un peu sensible qui ne laisse plus personne lui passer dessus parce qu'il a mal à un pied (ou plutôt, à un pilier).

Au fil de ses voyages, il fait la connaissance de Madame STM, qui fait «dou dou douuuu» en quittant les stations de métro, de M. Turcot, l'échangeur couvert de Band-Aid, complice de ses succès, et surtout de Gérald, un irascible petit cône à lunettes qui en a vu d'autres et qui devient - bien malgré lui - son mentor.

«Mon travail est beaucoup inspiré par Montréal. J'habite Saint-Henri; il y a l'échangeur Turcot juste à côté. C'était important pour moi que l'histoire de Ponto prenne racine dans un vrai quartier de Montréal», explique Tania Mignacca.

Tellement Montréal

«Ça a commencé en 2012, dit l'illustratrice. Je devais faire une exposition. Je vendais surtout des affiches grand format, des posters de paysages urbains, de bâtisses industrielles abandonnées, mais je cherchais quelque chose, un personnage que je pourrais reproduire sur des macarons et qui représenterait vraiment Montréal.»

«Quand on est enfants, on les aime, les cônes orange. Ils sont colorés, ils ont un aspect amusant. Les enfants aiment ça, les chantiers de construction. Ils veulent adopter un cône orange. Une fois devenus adultes, on déteste la construction, c'est l'enfer. Je voulais donc faire un personnage tellement cute que le monde ne pourrait pas le détester.»

À l'exposition de 2012, son personnage n'apparaissait que sur des macarons. «Mais je voyais les étoiles dans les yeux des gens quand ils voyaient Ponto. Un cône orange, c'est tellement Montréal.»

Le succès du personnage s'est traduit dans des macarons, des cartes postales et une peluche de 33 centimètres de haut - et il a convaincu l'illustratrice de concevoir pour le web une bande dessinée, qui compte aujourd'hui 178 épisodes.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Une place dans la vraie vie

Depuis le début du mois, un piano public parrainé par Ponto est installé dans le parc du Bonheur-d'Occasion, à l'intersection des rues Notre-Dame et Rose-de-Lima, dans le coeur commercial de la grande avenue commerciale. Un cône grandeur nature à l'effigie de Ponto décore les lieux.

Plusieurs pôles d'animation semblables ont été créés par l'arrondissement en vue du grand chantier prévu dans la rue Notre-Dame, entre l'avenue Awater et la rue Saint-Augustin, qui commencera à l'automne pour se terminer à la fin de 2017.

Avec cette consécration locale, Ponto fera donc son apprentissage de la vraie vie de chantier, dans un quartier qui en compte déjà beaucoup.

«Les commentaires qui reviennent le plus souvent quand les gens lisent la BD, c'est: "Avant de connaître Ponto, j'étais stressé dans le trafic; maintenant, quand je vois un cône, je pense à lui, qui travaille fort pour notre sécurité."»

Les employés municipaux de l'arrondissement auraient pu mal prendre des blagues de la BD, mais ils vont plutôt voir l'illustratrice pour lui dire qu'ils aiment Ponto. «Plusieurs ont acheté le toutou pour décorer leur bureau.»

Et Ponto continue ses voyages. Récemment, Tania Mignacca a reçu un égoportrait de Ponto quelque part aux Bermudes, accompagné d'une bouteille de tequila. «Il est allé en Inde, en Grèce, aux États-Unis.» Et récemment, une peluche de Ponto a pris la route du Japon.

Que d'histoires attendent encore le cône orange qui aime Montréal!

Image fournie par Tania Mignacca