Depuis 2013, le festival Dans ta tête nous fait découvrir ce qu'on lira demain, tout en comblant un vide au coeur de l'hiver en donnant la parole aux passionnés de la poésie, d'où qu'ils viennent. Entrevue avec sa créatrice Catherine Cormier-Larose et son fidèle collaborateur Mathieu Arsenault.

Le festival Dans ta tête est tenu à bout de bras par la poète Catherine Cormier-Larose, directrice des productions Arreuh depuis plusieurs années. Né en marge du Festival international de la littérature (FIL), il occupe aujourd'hui un peu la place laissée vacante en hiver par le Festival Voix d'Amériques (FVA) de D. Kimm, qui en a créé un autre, Phénomena, dans un tout autre esprit et dans la case automnale.

Comme le FVA, Dans ta tête se tient dans le circuit des petites salles cool de Montréal et rassemble ce monde très dispersé qui participe, d'une façon ou d'une autre, à la vie littéraire. La vraie vie, pas celle des institutions. Les débutants qui n'ont pas encore publié y côtoient parfois sur scène des Prix du Gouverneur général. « C'est devenu un festival indépendant basé sur la communauté », explique Catherine Cormier-Larose. Originaire de la Mauricie, c'est là qu'elle a rencontré un fidèle collaborateur, Mathieu Arsenault, originaire de Rimouski, l'auteur de La vie littéraire, et gardien de la mémoire de la regrettée Vickie Gendreau.

Selon eux, Dans ta tête n'est pas tant un festival d'avant-garde qu'un festival branché sur ce qui se fait maintenant. C'est bien souvent là qu'on découvre, dans leurs premiers pas incertains, les poètes et écrivains dont tout le monde va parler plus tard. Catherine Cormier-Larose ne se réclame pas de l'« underground », car son but premier est vraiment de prouver que le monde littéraire n'est pas un cercle fermé réservé aux initiés, au contraire. 

« Nos choix viennent de nos sorties, de ce que le monde nous raconte, des libraires, des performeurs, les gens qui assistent à des shows de poésie. Dans le fond, notre comité de sélection est multiple et infini. »

- Catherine Cormier-Larose, fondatrice du festival Dans ta tête

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Gabriella Kinté, de la librairie Racines

Mathieu Arsenault se souvient d'une soirée mémorable où le poète Nicolas Giguère, que personne n'avait encore vu en action, a décidé de lire ce qui allait devenir plus tard son recueil de poésie Queues. « J'ai senti qu'on était à la pointe de ce qui s'en venait, c'était LGBTQ et assez crunchy, mais la foule était tellement prête à ça. Le monde criait, et on s'est dit : "Ayoye ! Qu'est-ce qui se passe ?" »

Corriger des injustices, fouiller les angles morts, faire se rencontrer les gens et « triper » pour vrai sont les raisons d'être de Dans ta tête.

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Louis-Karl Picard-Sioui, du Bingo littéraire Kwahiatonhk !

Un gala et des cartes à collectionner

Micros ouverts, show de poésie bilingue, show de prose, « Crève avec tes bottes dins pieds, la suite », animé par Stéphane Larue (Le plongeur), soirées et nuits de poésie, avec, comme point d'orgue Le gala de l'Académie de la vie littéraire, forment la programmation de Dans ta tête 2019.

Ce fameux gala est un véritable happening qui s'organise tout au long de l'année et où on veut faire briller des gens qui ont besoin de ce festival pour se faire connaître, ne serait-ce que pour les encourager à continuer dans ce qu'ils font. Depuis plusieurs années, Mathieu Arsenault, le même qui tient le site doctorak.co où il vend des t-shirts littéraires (notamment celui de Patrice Desbiens, porté par la députée Catherine Dorion, qui a tant fait jaser à l'Assemblée nationale), confectionne des cartes à collectionner, comme des cartes de baseball, pour les 15 personnes qui sont célébrées annuellement au gala.

Par exemple, cette année, on remettra un prix à Gabriella Kinté de la librairie Racines, à Louis-Karl Picard-Sioui qui tient le Bingo littéraire Kwahiatonhk ! ou à l'auteur d'After, Jean-Guy Forget. « Ce qu'on essaie de trouver, dit-il, ce sont les choses les plus intéressantes qui se font en marge des sensibilités des autres prix littéraires. Quand on regarde un auteur qui pourrait être en nomination pour le prix Nelligan ou les Prix des libraires, tout de suite, on sait que ce n'est pas pour nous. On a même déjà donné un prix à un éclairagiste ! Notre idée, c'est de se demander si tel ou tel a besoin de nous autres. Des fois, on entend des textes qui ne sont pas très bons, mais qui posent une question que personne d'autre ne pose, et ça, c'est plus intéressant que le roman super bien écrit et parfait qui ne change absolument rien. »

Ils n'hésitent pas à parler de résistance, car malgré leurs doutes parfois, ils persévèrent. « Si on s'arrête, l'industrie du livre va gagner, croit Mathieu Arsenault. Ça ne prend pas grand-chose pour que les romanciers qui font des affaires plates qui gagnent tous les prix soient partout. Ce que les auteurs qui vont dans le festival de Catherine n'ont pas en retombées économiques, ils l'ont en liberté créatrice. »

Le festival Dans ta tête commence aujourd'hui et se déroule jusqu'au 17 mars.

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Jean-Guy Forget, auteur d'After