Catherine Mavrikakis nous fait découvrir quelques coins du Ghetto McGill qui l'ont inspirée pour son roman d'anticipation Oscar De Profundis, qui raconte, dans un Montréal quasi postapocalyptique après une épidémie mortelle, le retour dans sa ville natale du chanteur Oscar De Profundis, une star internationale, pendant que la révolte se prépare chez les miséreux.

Rue Milton

C'est dans cette maison de la rue Milton que Catherine Mavrikakis a imaginé son roman. «J'ai habité ici de 2010 à 2017, nous explique-t-elle. C'est un quartier particulier, habité par des étudiants, qui sont surtout des gens de passage, d'une certaine façon, et qui louent en bande les appartements.» Elle rappelle qu'il s'agissait d'un quartier très riche à une autre époque. «Et, dans les années 70, avec les appartements de La Cité, on le voyait comme un endroit d'avenir, mais c'est un drôle de quartier, comme si tout avait été construit n'importe comment.»

Stationnement de la rue Milton

Dans Oscar De Profundis, les riches ont fui Montréal pour se réfugier dans les banlieues, et la ville est laissée aux hordes de pauvres, qui squattent les terrains vagues et les stationnements. Lors de notre visite, Catherine Mavrikakis a reconnu un sans-abri qu'elle voyait régulièrement pendant l'écriture de son roman. «Quand on y pense, la ville appartient plus aux sans-abri, qui l'occupent, que nous. Parfois, pendant que j'écrivais ce roman qui se passe dans le futur, je n'avais pas l'impression que c'était un exercice, mais que je décrivais une réalité.»

La cour de la Maison Notman

«De ma fenêtre, je voyais l'arrière de la maison Notman qui était très désaffectée», se souvient Catherine Mavrikakis. «L'intérieur de cette maison a été préservé et c'est magnifique. Je voyais un contraste entre un Montréal en ruines et l'ancien faste de cette maison, en décadence, pour mon roman.» La maison Notman, l'une des rares villas rescapées du XIXe siècle de ce quartier, a été conçue par John Wells. Elle a été classée monument historique en 1979, et est aujourd'hui la Maison du Web, un incubateur de jeunes pousses.

L'ancienne école des beaux-arts

Le quartier général de Cate Bérubé et sa bande, qui veulent faire la révolution, se situe à l'angle des rues Milton et Saint-Urbain dans le roman. Ils ont «découvert une espèce de minuscule blockhaus adjacent à l'ancienne École des beaux-arts», peut-on lire. Créé en 1922, l'établissement a vu passer quantité de futurs artistes de renom aujourd'hui, parmi lesquels Paul-Émile Borduas et Armand Vaillancourt. Là aussi, on voit sur place des vêtements abandonnés ou des bouteilles vides...

La statue de Camille Laurin

Rue Sherbrooke, la statue de Camille Laurin, père de la loi 101. Dans Oscar De Profundis, la langue française est carrément en perdition à Montréal. «Le parler français s'était plus ou moins perdu et maintenant les gueux communiquaient dans un anglais bâtard, international, où se mêlaient des mots ou des phrases de ce qu'on avait appelé jadis la langue de Molière et qui était devenue depuis la langue de personne. Pendant l'écriture de mon roman, je voyais souvent des sans-abri anglophones autour de la statue de Camille Laurin, et je trouvais ça ironique», dit Catherine Mavrikakis.

La librairie The Word

«Le personnage du vieux libraire dans mon roman s'appelle Adrian, et c'est un petit hommage à celui qui tient la librairie anglophone The Word, rue Milton, qui est très à gauche, confie Catherine Mavrikakis. Il n'est même pas au courant!» Cette petite librairie d'occasion existe depuis 1975, et lors de notre passage, la thématique de la vitrine était consacrée à Philip Roth, qui venait de mourir.

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Oscar De Profundis. Catherine Mavrikakis. Héliotrope. 325 pages.