Chaque dimanche de l'été, nous visitons un quartier en compagnie d'un écrivain. Cette semaine, Simon Boulerice nous fait découvrir des lieux qui lui sont chers dans Saint-Henri, où il habite depuis une dizaine années. C'est le quartier de Gabrielle Roy, qui y a campé son roman Bonheur d'occasion. C'est aussi un secteur de Montréal en profonde mutation, où les nouvelles boutiques branchées côtoient des commerces d'une autre époque.

Parc Saint-Henri

«Ce parc est magnifique, aussi beau que le square Saint-Louis, lance Simon Boulerice à propos du parc Saint-Henri, situé à l'angle des rues Agnès et Saint-Antoine. C'est tout près de chez moi et j'aime venir m'y asseoir pour écrire. C'est paisible. Et en plus, Yvon Deschamps a grandi sur la rue Agnès en face. C'est un lieu très chargé, très inspirant. On est à la jonction de Westmount, qui se trouve un peu plus haut. J'ai toujours été fasciné par le clivage même si, depuis la construction des condos de l'Imperial Tobacco, la frontière est de plus en plus floue.»

Station Place-Saint-Henri

«J'ai toujours considéré que Place-Saint-Henri était la plus belle station de métro à Montréal. Ce n'est pas du chauvinisme, car je le pensais bien avant que j'habite le quartier. J'adore les briques et ici, il y en a partout. Et il y a surtout la murale de Julien Hébert, réalisée en 1976, qui rend hommage à Gabrielle Roy. Il y a quelque chose qui m'inspire ici. C'est lumineux. Et puis j'adore être dans les métros. Je suis un peu bunker dans la vie, alors j'aime bien lire et écrire dans le métro, je me sens dans mon bureau.»

Le Dollarama

«Nous sommes coin Saint-Augustin et Notre-Dame. C'est l'endroit où se trouvait "Le 15 cents", où travaillait Florentine Lacasse dans Bonheur d'occasion. Je dois dire que j'ai un attachement aux magasins à un dollar, car ma mère les a toujours adorés. Je reconnais que c'est une espèce de célébration du consumérisme et mes valeurs sont opposées à tout ça, mais... on ne choisit pas ce qu'on aime [rires]! J'ai tellement vu ma mère irradier quand elle faisait des économies et qu'elle achetait des babioles dont elle n'avait pas besoin. Ça la rendait heureuse. Alors moi, quand je rentre là, je n'achète rien, mais je me sens apaisé.»

Le Château Saint-Ambroise

«J'ai étudié en littérature au cégep, mais j'étais tiraillé entre la danse et la littérature. J'ai réalisé que le théâtre était le terrain de jeu parfait entre le mouvement et la parole. J'ai suivi des cours de commedia dell'arte qui se donnaient au Château Saint-Ambroise. C'est ce qui m'a donné envie de faire mes auditions dans les écoles de théâtre. Un jour, j'ai invité mes grands-parents à un de mes spectacles. Après la représentation, mon grand-père m'a dit: "Tu sais que j'ai déjà travaillé ici? C'était une usine avant." Je trouvais ça émouvant que nos trajectoires se soient recoupées au même endroit.»

Le serrurier Boudreau

«On triche un peu, car on traverse la rue Atwater, dans la Petite-Bourgogne. J'ai déjà écrit sur ce serrurier dans un texte urbain pour la Foirée montréalaise. Je déteste l'odeur du métal, mais je voulais briser ce rapport à l'odeur et c'est pour cette raison que j'ai écrit le texte. France a repris le commerce familial et c'est un lieu de rassemblement. Il y a toujours du monde ici. Comme je perds toujours mes doubles de clé, je viens souvent ici. J'aime ce lieu qui brise l'idée d'embourgeoisement: que tu sois riche ou pauvre, tout le monde a besoin d'une clé.»

Le Théâtre Corona

«C'est à la billetterie du Corona que j'ai eu un de mes premiers emplois alors que j'étudiais à l'UQAM. J'ai tellement passé de belles années ici. C'est un lieu évocateur, chargé d'histoire, et je m'y sentais bien. J'aimais mes collègues. À l'époque, j'étais très éclaté au niveau vestimentaire et ma gérante m'avait dit: "Tu peux t'habiller comme tu veux, il n'y a pas de décorum ici." J'ai pris ça au pied de la lettre [rires]. Ç'a été deux années de liberté extraordinaire. Parfois, quand il n'y avait personne, ma collègue et moi, on montait sur la scène et on chantait.»