Il l'a souvent répété: Jean-Martin Aussant pense revenir en politique un jour. Dans l'essai La fin des exils, il lance un appel pour une prise en main collective. Et il présente des mesures pour lutter contre les inégalités économiques et les dommages à l'environnement. Entretien avec le directeur général du Chantier de l'économie sociale.

Vous lancez un appel pour le collectif alors que nous vivons dans un monde individualiste. Comment pouvez-vous être optimiste pour la suite des choses?

Le Québec a ses propres réalités historiques et culturelles. C'est un îlot linguistique et c'est une société progressiste et sociale-démocrate assez unique dans les Amériques. Le Québec est différent dans sa façon d'être. Et ça lui donne un potentiel fantastique. Il y a encore du travail à faire, mais les inégalités de richesse y sont moins grandes. En plus, les jeunes que je rencontre ont une pensée collective extrêmement développée. Plusieurs ont le réflexe de lancer des projets d'entrepreneuriat collectif. Ce type d'entreprises (coops, OBNL) répartit la richesse en chemin. Bref, le modèle québécois a développé quelque chose qui tient compte du collectif.

Au fil de l'essai, vous présentez des propositions concrètes. Choisissez un exemple.

Pensons au salaire des dirigeants des grandes entreprises. C'est insensé que des gens accumulent pour eux-mêmes l'équivalent de ce que possèdent des milliers de familles en termes d'actif et de patrimoine. Il faut limiter la rémunération excessive de ces dirigeants. Il faut légiférer sur cette inégalité. Si on a une idée de génie, ou si on travaille plus fort que le voisin, c'est normal d'être plus prospère. Mais pas dans de telles proportions. J'espère que les sociétés vont limiter ça dans un contrat social. Les inégalités économiques sont une forme de violence qui mène à des conséquences néfastes pour les sociétés.

Qu'est-ce qui amènera les gens à s'intéresser davantage à la politique?

L'audace et la clarté feront en sorte que les gens vont s'y intéresser pour les bonnes raisons. C'est la base de la démocratie. Il faut que les messages soient clairement entendus. Et que les plateformes des partis soient clairement établies avec des choses concrètes pour que les gens puissent choisir. C'est sûr que si je reviens en politique un jour, ça va être super clair sur ce que j'ai envie de faire. Et si les gens ont envie d'autres choses, je trouverai normal de ne pas être élu. Alors, je pourrai continuer à militer pour convaincre les gens. Ça devrait être ça, la politique. Pas de dire: qu'est-ce qui est populaire en ce moment dans les sondages pour ajuster mon discours.

Propositions mises de l'avant

- Offrir la gratuité scolaire, du CPE au doctorat

- Avoir un système électoral proportionnel

- Créer une société d'État, actionnaire majoritaire, dans tout projet lié aux ressources naturelles

- Limiter la rémunération excessive des dirigeants d'entreprises en fixant un revenu maximum raisonnable

- Lutter contre toutes les formes d'évasion (illégale) et d'évitement (immoral) fiscaux, petites ou grandes

- Rééquilibrer les trois piliers économiques : gouvernement, privé et collectif (coopératives, mutuelles et OBNL)

- Interdire l'obsolescence programmée des produits commercialisés

- Promouvoir et réaliser la souveraineté du Québec

- Utiliser les fonds publics pour faire avancer un élément fondamental de sa plateforme politique

Résumé

Jean-Martin Aussant a été député péquiste et fondateur d'Option nationale. Il est aujourd'hui directeur général du Chantier de l'économie sociale. Dans cet essai, au style clair et bien mené, l'économiste constate que l'ère de l'individualisme a montré ses limites. Il mise sur une prise en main par la collectivité, sur le retour de la politique au sens noble et sur l'audace de résister aux peurs qu'il juge non fondées (économique, grands changements, etc.). Bref, il plaide pour donner au Québec l'ambition de ses moyens. Le titre de l'essai fait référence au discours qu'il a prononcé aux funérailles de Jacques Parizeau. «S'il est une chose que son départ devrait amener, c'est la fin des exils. De tous les exils, qu'ils soient géographiques ou intellectuels.»

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La fin des exils  -  Résister à l'imposture des peurs. Jean-Martin Aussant. Avec des oeuvres de Marc Séguin. Atelier 10. 100 pages.

Image fournie par  Atelier 10 

La fin des exils  - Résister à l'imposture des peurs