Dominique Demers adore transformer les pires catastrophes en comédies douces-amères. Celle qui avait réussi le tour de force de nous faire sourire en nous racontant son cancer n'a rien perdu de son humour. Elle nous entraîne cette fois dans la saga de l'achat d'un chalet déglingué et la recherche de l'âme soeur. Rencontre avec une femme qui voit toujours le verre à moitié plein.

On dirait qu'il n'y a rien à l'épreuve de l'optimisme de Dominique Demers. Même quand elle vous raconte des choses horribles qui vous donnent envie de vous rouler en boule dans un coin, elle le fait avec un sourire lumineux et un regard pétillant. Avec cette conteuse, la pire des histoires se terminera sans doute dans un grand éclat de rire.

« Quoi qu'il nous arrive, c'est le regard qu'on porte sur l'événement qui compte, lance-t-elle. C'est nous l'artiste, l'écrivain de notre vie. Moi, quand je me concentre sur l'aspect ironique d'un événement, c'est ma voix intérieure, ma façon de voir le monde. Et c'est très thérapeutique. C'est pour ça que j'ai décidé de le partager et de faire rire les lecteurs avec ça. »

Fais-mois mal...

Dans Mon fol amour, un roman qu'elle qualifie d'« autofiction », Dominique Demers nous raconte donc son coup de foudre pour un chalet, une relation sadomaso sur les bords qui lui drainera plus d'énergie que le plus exigeant des amants. Et, comme parfois en amour, l'écrivaine refusera de voir les nombreux défauts de l'élu de son coeur.

En effet, que le chalet tombe en ruine, que le lac soit infesté d'algues et que les voisins ne soient pas particulièrement accueillants n'altère en rien l'enthousiasme de la narratrice qui, malgré les nombreux avertissements de son entourage, se lance dans une série de travaux visant à améliorer l'apparence de son grand amour.

Sauf qu'aussitôt un problème réglé, un autre, plus grave, apparaît. Ce chalet est l'incarnation du vice caché. Et sa nouvelle propriétaire ne voit plus clair. On pourrait presque dire qu'elle fait preuve d'acharnement thérapeutique sur ce chalet qui semble pourtant condamné. La comparaison n'est pas innocente. Car peu de temps après avoir signé l'acte d'achat chez le notaire, Dominique Demers apprenait qu'elle était atteinte d'un cancer du sein. « Je pense que j'ai acheté ce chalet parce qu'au fond de moi, je savais que j'avais le cancer, confie-t-elle. Même si je l'ai appris seulement après... Au fond, je suis tombée en amour avec un cancer. Et une fois que t'as le cancer, et que ta maison a le cancer, t'es quand même pas pour la mettre à la poubelle ! Sinon, tu vas te flusher toi-même... »

Il n'est toutefois pas fait mention de cancer dans Mon fol amour. La maladie a fait l'objet d'un autre récit, Chronique d'un cancer ordinaire - Ma vie avec Igor, paru il y a un peu plus de deux ans. Pas un mot non plus sur le terrible accident de vélo qui a forcé Dominique Demers à subir une chirurgie et des traitements de physio. 

« Si je mettais tout ce qui m'est arrivé dans le même livre, même si c'est arrivé en même temps pour vrai, les gens trouveraient que j'exagère. »

Le coeur a ses raisons

Entre les travaux de dynamitage et la consolidation des fondations de son nouveau refuge, Dominique cherche aussi celui avec qui elle pourrait « fonder » un nouveau couple. Or voilà, son coeur est aussi chambranlant que la charpente de son nouveau chalet. Sa dernière relation amoureuse l'a laissée fragile; elle n'est pas certaine d'être capable de refaire confiance. Et puis, elle est entourée d'un groupe d'amis extraordinaires, de trois enfants qu'elle adore et d'un petit chien qui lui demande beaucoup d'attention. Trouver quelqu'un à la hauteur n'est pas évident.

La narratrice raconte les péripéties des sites de rencontre, les messages échangés, les conversations téléphoniques parfois absurdes et les rencontres en chair et en os, souvent décevantes.

Elle ne se donne pas toujours le beau rôle et ne craint pas de se montrer vulnérable. Mais on sent la déception, malgré le désir sincère de rencontrer quelqu'un.

« Je suis contente d'avoir vécu l'expérience, mais je ne le revivrai pas, je reste célibataire, dit-elle. Je suis très romantique et je suis certaine qu'il y a quelqu'un qui existe pour moi. Mais j'ai une personnalité forte qui peut faire peur aux gens. Et puis, je suis une hybride : une sportive dans un monde d'artistes et une artiste dans un monde de sportifs. Je recherche donc les deux, l'artiste et le sportif. Ce n'est pas facile. »

Dominique Demers assure qu'elle préfère être seule que mal accompagnée. « Oui, je veux rencontrer quelqu'un, mais j'apprends à être heureuse seule. Tout le monde peut être en couple, mais la question que je pose dans le livre est : est-ce qu'on se multiplie ? Comme lorsque les mots et les images se marient pour créer un album, est-ce que cette personne fera de moi une meilleure personne ? Si la réponse est non, je préfère être seule et avoir de bons amis. »

Inventer sa vie

Avec Mon fol amour, Dominique Demers fait la preuve une fois de plus qu'elle peut aussi bien écrire pour les tout-petits que pour les ados et leur mère. Elle vient d'ailleurs de publier une réédition de L'étonnante concierge et travaille au manuscrit d'un inédit de Mademoiselle Charlotte. Tout en poursuivant son travail d'ambassadrice de la lecture (elle s'apprête à donner une conférence devant plus de 400 enseignants). Bref, son registre est large et son énergie semble inépuisable. « Pourquoi j'écris ? demande cette dynamo. Parce que tout est possible et parce que ça me fait chier de savoir que je vais mourir. Je triche en ayant plein de vies pendant que je suis vivante. Je suis une gourmande, je mange beaucoup, j'aime "faire" des choses. On travaille fort dans nos carrières et nos métiers, on donne beaucoup, mais on ne met pas la moitié ni même le quart de cette énergie à inventer nos vies... Moi, c'est ce que j'aime plus que tout. »

Mon fol amour

Dominique Demers

Éditions Québec Amérique

En librairie le 29 mars

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS QUÉBEC AMÉRIQUE

Mon fol amour, de Dominique Demers

Un printemps bien chargé

Le printemps s'annonce chargé pour Dominique Demers. De retour de la Foire du livre de Bruxelles, elle sera au Salon du livre de Québec (du 5 au 9 avril) et au Salon du livre de la Côte-Nord (du 27 au 30 avril). Elle sera également co-porte-parole, avec sa fille Marie Demers, du Salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue, qui se tiendra cette année à Rouyn-Noranda (du 25 au 28 mai).

Une réédition de L'étonnante concierge vient de paraître aux éditions Québec Amérique. Enfin, l'Orchestre symphonique de Montréal dévoilera au cours des prochains jours un projet de lecture de contes pour enfants auquel elle participera avec un immense bonheur, nous dit-elle.