Deux romancières, la Franco-Marocaine Leïla Slimani et la Française Catherine Cusset, sont favorites pour remporter jeudi le prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires du monde francophone.

Ce pronostic, forcément hasardeux, est celui de 14 critiques littéraires contactés par le magazine spécialisé Livres Hebdo. Six ont estimé que Leïla Slimani serait récompensée pour Chanson douce et quatre que ce serait Catherine Cusset pour L'autre qu'on adorait (Éditions Gallimard pour les deux ouvrages).

Mais les deux finalistes masculins, le rappeur franco-rwandais Gaël Faye avec Petit pays (Éditions Grasset) et le Français Régis Jauffret avec Cannibales (Éditions Seuil), espèrent déjouer ces pronostics.

Chouchou des critiques, Leïla Slimani «offre un profil idéal: femme, jeune, talentueuse, médiatique» pour être la lauréate du prix cette année, estime le chroniqueur littéraire de la radio RTL, Bernard Lehut.

Chanson douce, histoire atroce et extrêmement bien construite, raconte l'assassinat de deux jeunes enfants par leur nourrice. C'est d'ores et déjà un succès de librairie. Deuxième roman seulement de l'écrivain, née au Maroc il y 35 ans, il se dévore comme un thriller mais peut aussi se lire comme un livre implacable sur les rapports de domination et la misère sociale. En accordant son prix à Leïla Slimani, le jury du Goncourt ferait d'une pierre deux coups, relève Bernard Lehut: «littérairement respectable et commercialement efficace».

L'autre femme en lice, c'est Catherine Cusset, 53 ans, qui avec L'autre qu'on adorait offre, selon le patron du mensuel Lire, Julien Bisson, «une oeuvre à la fois littéraire et populaire». Hommage à son ami Thomas Bulot qui s'est suicidé un jour d'avril 2008 à 39 ans, ce livre n'est pas une fiction mais est «brillant, nourri de lectures proustiennes» pour la critique du quotidien Libération, Claire Devarrieux.

«Lécher les babines»

En 20 ans, le Goncourt n'a récompensé que quatre romancières, la dernière en 2014.

Mais les hommes n'ont pas dit leur dernier mot. La surprise pourrait venir du primo-romancier Gaël Faye, 34 ans, incontestable révélation de la rentrée littéraire avec Petit pays, un livre qui se vend très bien en librairie. Lui donner le prix «serait un retour au testament des Goncourt qui souhaitaient encourager un jeune talent», affirme Catherine Fruchon-Toussaint, journaliste littéraire de la radio RFI.

L'autre homme en lice est Régis Jauffret, 61 ans, l'aîné de la bande, qui a déjà derrière lui une oeuvre considérable. Cannibales (Éditions Seuil) est un livre «à s'en lécher les babines», a estimé Bernard Pivot, qui préside l'Académie du Goncourt. Porté par une écriture très XVIIIe siècle, sa force et sa faiblesse, Cannibales, recueil de correspondance entre deux femmes machiavéliques discutant sur le meilleur moyen d'en finir avec un homme est délicieusement amoral.

Slimani et Jauffret, sont également en lice pour le Renaudot, prix concurrent du Goncourt, qui sera également attribué jeudi, au même moment et au même endroit que le plus convoité des prix littéraires.

Le verdict, souvent à l'opposé des prévisions, tombera comme chaque année à la mi-journée du restaurant Le Drouant, au coeur de Paris, antre des dix membres du jury présidé par Bernard Pivot. Comme d'habitude, rien n'a filtré des délibérations.

Ce prix reste une aubaine pour les éditeurs: en moyenne, il dépasse les 345 000 exemplaires. L'an dernier, il a récompensé Boussole de Mathias Enard (Éditions Actes Sud), un ouvrage exigeant sur les liens entre l'Orient et l'Occident.